Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Alerte à l’ambroisie, la lutte s’organise !

ambroisie

Augmentation des allergies, problèmes pour les récoltes… Les plantes « envahissantes », au premier rang desquelles l’ambroisie, prolifèrent, aidées par le réchauffement climatique. Associations, médecins et personnes allergiques tirent la sonnette d’alarme. Comment agir pour éviter que la situation ne dégénère ? Un point sur la menace et les moyens de lutte.

Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, collectivités territoriales, associations, allergologues et allergiques guettent les premiers signes du redoux avec une certaine anxiété. Car dans cette région, comme dans un nombre croissant de départements français, l’arrivée du printemps va de pair avec le retour des allergies, notamment au pollen d’ambroisie. « On estime à plus 20 % la part des personnes sensibles à la présence de pollen d’ambroisie en Auvergne-Rhône-Alpes », souligne le Dr Martine Grosclaude, allergologue au Groupement d’allergologie et d’immunologie clinique du Rhône moyen. Jusqu’à présent, rhinite, conjonctivite, urticaire, mais aussi asthme dans 50 % des cas, se manifestaient au moment de la formation de la fleur mâle, vers la fin du mois de juillet. « Mais les changements climatiques ont un impact sur le cycle de floraison de l’ambroisie, ajoute l’allergologue. En 2011, par exemple, la douceur du printemps et le redoux précoce ont fait exploser le nombre et l’intensité des allergies. » En France, « la proportion d’allergiques pourrait bien atteindre 40 % d’ici quinze ans », avertit le Dr Grosclaude. Mais l’impact de l’ambroisie ne se borne pas au domaine de la santé : la plante est aussi une grande ennemie du monde agricole. Dans les champs, elle se développe dans les cultures de printemps (le soja, le maïs, le tournesol…) et sur les jachères, entraînant non seulement une baisse de rendement, mais aussi un surcoût lié à la lutte. En 2012, une étude réalisée par le Centre technique interprofessionnel des oléagineux et du chanvre et l’Institut du végétal a estimé à plus de 10 millions d’euros l’impact de l’ambroisie sur l’économie agricole de la seule région Rhône-Alpes. Enfin, la lutte contre l’ambroisie, qui apprécie autant les bords de route que les terrains découverts est aussi l’affaire des entreprises du bâtiment, qui voient régulièrement leurs chantiers envahis.

Dans certains pays européens, comme la Hongrie, les chiffres font déjà froid dans le dos : 50 % des terres seraient envahies par l’ambroisie. En France, depuis le 21 avril 2017, la lutte contre l’ambroisie est officiellement devenue un enjeu national.

Agir, chacun à son niveau

Depuis avril 2017, la France s’est dotée d’un nouveau dispositif réglementaire spécifique à la lutte contre les ambroisies, intégré au Code de la santé publique. Et chacun est convié à y participer à son niveau. Ce dispositif concerne trois espèces d’ambroisie : l’ambroisie à feuilles d’armoise, l’ambroisie trifide et l’ambroisie à épis lisses, dont « l’introduction et le transport volontaires, ainsi que l’utilisation, la vente ou l’achat, sous quelque forme que ce soit », sont maintenant formellement interdits.

« Pour sensibiliser la population, il faut d’abord apprendre à reconnaître la plante », explique Guillaume Fried, chercheur à l’Anses. En effet, la confusion entre l’armoise commune et l’ambroisie est courante, tant leurs feuilles se ressemblent. Il serait pourtant dommage d’éradiquer l’armoise, dont on connaît les bienfaits sur les problèmes de digestion ! En cas de doute, vérifiez la face intérieure de la feuille : celle de l’armoise commune est gris argenté et elle émet une odeur marquée quand on la froisse. S’il se trouve que vous avez affaire à un plant d’ambroisie, arrachez-le sans ménagement en veillant à bien déraciner le plant. Laissez les déchets sur place afin d’éviter de disséminer involontairement les graines.

Si la zone est infestée, signalez-le. La plateforme « signalement ambroisie » permet à tous de contribuer au repérage et à la lutte contre l’ambroisie. Par le biais du site Internet, de l’application mobile, du numéro de téléphone ou de l’adresse mail, il est du devoir de chacun de signaler la présence d’ambroisie sur n’importe quelle commune de France métropolitaine. Cette plateforme est aussi un outil pour les « référents ambroisie ». Ces élus locaux, ou agents territoriaux, le plus souvent nommés par le maire, ont pour mission de faire respecter la réglementation en vigueur et d’informer les citoyens sur le risque ambroisie. Leur rôle est aussi d’organiser l’éradication de la plante, par le fauchage ou le désherbage mécanique.

De leur côté des associations comme les réseaux FREDON, Stop Ambroisie ou le RNSA sont actives : lettres d’information mensuelles, bulletins de vigilance sur le pollen, édition de guides et d’affichettes destinés au grand public et aux médecins, conseils et formations pour apprendre à reconnaître et à éradiquer l’ambroisie... L’Observatoire des ambroisies propose même aux plus jeunes de se laisser embarquer dans les aventures de « Captain allergo », un drôle de personnage destiné aux élèves du primaire qui permet d’en apprendre davantage sur l’ambroisie.

Plantes invasives : pas de solution miracle

Au niveau national, il existe un comité parlementaire de suivi du risque ambroisie, à l’initiative duquel a eu lieu, le 14 décembre dernier, le colloque « Alerte aux plantes invasives » à Lyon. Les associations s’y sont félicitées de l’implication de l’État, mais elles ont aussi déploré le manque de moyens et les difficultés de mise en place de la lutte. Car s’il est du devoir du maire de coordonner la lutte sur sa commune, la réalité sur le terrain s’apprécie souvent au cas par cas et dépend autant des bonnes volontés humaines que des réalités matérielles.

Gageons que le projet d’instruction sur lequel travaille actuellement la Direction générale de la santé, et qui sera diffusé début 2018, éclaircira les rôles et obligations de chacun en la matière et établira une ligne plus claire sur les moyens matériels et humains alloués pour une lutte efficace.

Arrachage manuel, fauchage, broyage, désherbage, les moyens de lutte restent limités : « La seule solution est de s’attaquer aux causes de la prolifération et de développer des approches préventives », explique Guillaume Fried. Dans cette optique, la recherche scientifique est elle aussi engagée dans la lutte contre l’ambroisie. En Bulgarie, une récente étude a mis en avant l’efficacité de certaines plantes comme le raygrass anglais (Lolium perenne), pour réprimer efficacement la croissance de l’ambroisie. L’introduction de l’Ophraella communa, un petit insecte friand des feuilles d’ambroisie, est aussi considérée comme une solution envisageable par des pays comme la Chine ou l’Italie. En France, il reste « sous surveillance », car il est également amateur de tournesol et de topinambours ! Enfin, l’implantation de trèfle sur les bords des routes pourrait être une solution pour éviter l’enracinement de l’ambroisie qui, comme lui, peut proliférer sur des terres chargées en métaux lourds.

Les recherches se multiplient pour trouver une solution peu coûteuse et naturelle contre l’ambroisie, ce qui in fine est préférable aux pesticides qui ont été de nouveau autorisés en mars 2017 « en cas de dangers sanitaires graves ». « Mais il faut anticiper la façon dont l’insecte ou la plante va évoluer avant de l’introduire », précise le chercheur Guillaume Fried. N’oublions pas qu’à l’origine la berce du Caucase et le datura ont été introduits dans les jardins comme plantes ornementales, avant de se révéler « invasifs ».

Il n’existe pas encore de solution miracle contre l’ambroisie. En attendant, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) recommande aux personnes sensibles d’éviter les activités extérieures durant les périodes d’exposition pollinique, de se rincer les cheveux avant d’aller se coucher et d’aérer leur habitation plutôt la nuit. Et si les solutions allopathiques, hormis la désensibilisation efficace à 70 %, ne sont pas encore tout à fait convaincantes, il existe de bonnes alternatives en phytothérapie (lire l’encadré p. 17). Cassis, plantain, ortie et plantes adaptogènes comme l’astragale ont prouvé leur efficacité en prévention des symptômes de l’allergie.

Les chiffres d’une faillite écologique

En France, 12 % de la population exposée à l’ambroisie serait allergique. En région Auvergne-Rhône- Alpes, cette proportion s’élève à 20 %.
Dans 50 % des cas, l’ambroisie peut entraîner l’apparition d’asthme.
20 millions d’euros C’est ce que la plante coûte chaque année à la Caisse d’assurance maladie de la région Auvergne-Rhône-Alpes.
400 % C’est l’augmentation du nombre d’allergiques en France depuis 1980.
50 000 hectares en Auvergne-Rhône-Alpes seraient pollués par l’ambroisie.
10 ans C’est la durée de vie d’une semence d’ambroisie.

Les recettes anti-allergie de l’herboriste

Les allergies sont une réponse inflammatoire à l’introduction d’un corps étranger dans l’organisme. Pour éviter l’inflammation, mieux vaut prévenir en agissant dès février. L’herboriste Emmanuelle Guilbaudeau conseille de prendre de l’extrait de bourgeon de cassis, anti-inflammatoire et soutien de l’immunité durant l’intersaison, c’est-à-dire dès le mois de février. L’ortie est aussi une plante adaptogène et antihistaminique qui agit aussi bien en prévention que de façon curative.

À faire
Un vinaigre d’ortie Nettoyer sans faire tremper l’équivalent d’un pot de confiture de feuilles terminales de jeunes pousses d’ortie, puis remplir le pot avec du vinaigre de cidre de façon à ce qu’il couvre la plante. Laisser macérer vingt-et-un jours en remuant une fois par semaine. En prévention, comme en curatif, mélanger une à trois cuillères à café dans un verre d’eau, de préférence à jeun. 

Les autres invasives

1. La berce du Caucase (Heracleum mantegazzianum)
Le contact avec sa sève combiné à l’exposition solaire (ultraviolets) cause des lésions cutanées semblables à des brûlures.

2. La renouée du Japon (Fallopia japonica)
Sa capacité à proliférer et à éliminer ses concurrentes en fait une véritable ennemie de la biodiversité. Elle prolifère sur les sols acides et humides.

3. Le datura (Datura stramonium)
Surnommée « herbe du diable », cette plante donne un fruit épineux renfermant des graines redoutablement toxiques et hallucinogènes 

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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