L’huile de nigelle, le retour d’une plante déchue
La nigelle est un remède naturel ancestral très présent dans le monde oriental. Les recherches scientifques qui y sont menées démontrent ses nombreuses vertus curatives, d’autant plus intéressantes qu’elles visent plusieurs maladies contemporaines. Pourtant, en Occident, cette plante est surtout utilisée en cuisine ou en cosmétique. Et si nous lui redonnions sa place?
Et si en cette rentrée, l’huile végétale de nigelle nous garantissait tonus et immunité mettent en avant ses propriétés ? Des naturopathes immunostimulantes. D’ailleurs, Aroma-Zone, spécialiste des substances naturelles, la propose même en gélules à faire soi-même dans un mélange «Rentrée» comprenant aussi les huiles essentielles de citron et d’épinette noire. Proposer la prise orale de cette huile le plus souvent limitée aux soins externes, c’est enfn mettre en avant ses bienfaits multiples sur l’organisme.
Une découverte ? Non ! Les pouvoirs thérapeutiques de la nigelle sont largement plébiscités par les différentes médecines traditionnelles. Des graines auraient été retrouvées dans plusieurs tombeaux de pharaons, dont celui de Toutankhamon au XIVe siècle avant notre ère. Elles étaient prescrites pour la digestion, les inflammations et les infections, ainsi que pour les maux de tête. On la trouve également chez les Sumériens en Mésopotamie, et elle est mentionnée dans la Bible. L’Inde n’est pas en reste: la plante est nommée kalonji dans la médecine ayurvédique. Plus près de nous, le médecin grec Hippocrate la mentionne dans son Corpus Hippocraticum. Un autre célèbre médecin grec, Dioscoride, donne au Ier siècle de notre ère plusieurs indications thérapeutiques de la nigelle dans son traité De materia medica. Il la prescrit en friction sur le front pour les maux de tête, sur la peau contre la lèpre et les tumeurs, en bain de bouche pour les maux de dents, en décoction comme vermifuge et enfn en inhalation contre le rhume.
Une dimension quasi-religieuse
Mais c’est surtout dans les pays musulmans que la graine de nigelle atteint un statut de remède universel. En effet, Mahomed l’a préconisé pour toutes les pathologies (lire l’encadré ci-contre). Historien de l’alimentation dans le monde arabo-musulman, Mohamed Oubahli explique comment les musulmans ont islamisé une tradition médicale bien plus ancienne: «Mahomet n’a fait que reprendre les connaissances médicales de son époque établies par une expérimentation populaire millénaire. Aujourd’hui, la nigelle revêt une dimension quasi-religieuse, presque magique. Une plante bénie.»
Les médecines traditionnelles d’Afrique et du Moyen-Orient recommandent toujours la nigelle contre le diabète. Elle est réputée pour améliorer la sécrétion de l’insuline et pour inhiber l’absorption de glucose par l’intestin. La graine noire est également prescrite comme antibiotique naturel et immunostimulant, ainsi que contre l’excès de mauvais cholestérol, l’hypertension, les infections des voies respiratoires, et contre les maladies de peau telles que l’herpès, le psoriasis ou encore l’eczéma. Si les vertus de cette graine sont pléthore, les médecins arabes, comme Ibn Qayyim, ont aussi déjoué une possible toxicité quand on l’utilise de façon répétée et à trop forte dose, comme l’avait déjà relevée Dioscoride.
Est-ce à cause de cette dangerosité que l’Europe a oublié les propriétés pharmaceutiques de la nigelle après le XVIIe siècle? Toujours est-il que dès le XVIIIe siècle, son utilisation se limite à ses propriétés culinaires. Dans son «Aide-mémoire de pharmacie, vade-mecum du pharmacien à l’offcine et au laboratoire» publié en 1883, Eusèbe Ferrand répertorie Nigella sativa comme condiment sous le nom de « poivrette », sans mentionner aucune de ses vertus curatives. Il précise même qu’elle est inusitée en pharmacie, si ce n’est comme stimulant stomachique. D’ailleurs, en français, la graine de nigelle est connue sous les noms poivrette, tout-épice, nielle, sésame noir ou cumin noir. La redécouverte de la nigelle thérapeutique est récente en Occident.
Des vertus avérées par la science
Ces dernières années, la plupart des indications revendiquées en médecine traditionnelle ont été confrmées par les études scientifques. En plus des propriétés sur le système gastroentéro-hépatique, les graines et leurs constituants sont bénéfiques dans les pathologies inflammatoires, immunitaires, infectieuses, cardiovasculaires, métaboliques, neurologiques et dermatologiques. Pour expliquer ces vertus pharmacologiques exceptionnelles, des tests sur les animaux ont mis en avant l’effet de la thymoquinone, principale composante de son huile essentielle, présente dans les graines, la poudre et l’huile. «Cette molécule administrée pure peut même avoir une capacité thérapeutique dix fois supérieure à celle d’huile de nigelle», estime Cihan Toparslan, pharmacien à Metz et auteur d’une thèse de doctorat de pharmacie sur le sujet.
Mentionnons encore ses propriétés antidiabétiques, antioxydantes, antitumorales, antifongiques, antiparasitaires et respiratoires pour le traitement de l’asthme. La nigelle est également neuroprotectrice et permet d’accroître le taux de sérotonine. Elle a donc une action favorable sur la mémoire et les capacités d’apprentissage. Un ou deux grammes de graines de nigelle par jour permettraient de renforcer le système immunitaire, prévenir les allergies et l’asthme, soigner les affections grippales, le rhume des foins, entretenir la circulation sanguine et purifer la peau de tous ses problèmes, à la fois bénéfque pour les peaux acnéiques et les peaux sèches.
Les seules recherches sur l’humain n’ont pour l’instant lieu que dans des universités des pays musulmans. Des chercheurs iraniens ont par exemple observé sur des femmes obèses l’effet de l’huile de nigelle associée à un régime hypocalorique. Ils ont constaté une baisse de l’index de masse graisseuse et du niveau d’insuline. Des chercheurs libanais ont pour leur part relevé que la thymoquinone de la nigelle contribuait à la mort programmée des cellules cancéreuses et pouvaient jouer un grand rôle dans le traitement du cancer du côlon. Son dosage doit néanmoins être précis, car chez certaines personnes, la nigelle peut provoquer des allergies, des dermites et des problèmes digestifs. Dans une étude, l’ingestion par des rats à forte dose s’est traduite par une modifcation des cellules hépatiques et du cortex rénal. Il est donc déconseillé de la surdoser et d’en faire un usage prolongé.
Encore faudrait-il que les graines aient leur place dans la pharmacopée française, ce qui n’est pas le cas pour le moment. Pas plus que la molécule de thymoquinone n’est utilisée dans un médicament. Le docteur Éric Ménat, médecin phytothérapeute à Muret (31), tente pour sa part de réveiller le corps médical: il a lancé un appel à ses confrères en vue d’établir une liste commune des utilisations thérapeutiques possibles. Il mise pour l’instant sur les propriétés cicatrisantes de l’huile de nigelle sur les plaies et en post-opératoire, ainsi que sur ses propriétés antiallergiques. Mais il en est convaincu, son emploi est potentiellement beaucoup plus large.
Une graine prophétique
« Soignez-vous avec la graine noire (nigelle), c’est un remède pour tous les maux à l’exception de la mort », disait Mahomed, comme l’a rapporté son compagnon Abou Hourayra. Les hadiths, compilation des paroles et actes du prophète de l’islam, font référence aux propriétés curatives de cette graine que les Arabes nomment habba sawda (graine noire) et surnomment habat al-baraka (graine bénie). Du fait de cette recommandation prophétique, le monde musulman va beaucoup consommer les graines de nigelle et promouvoir ses propriétés pharmacologiques. Dans la culture orientale, la nigelle sera pendant des siècles une épice-médicament, utilisée à la fois pour relever la cuisine, pour parfumer le thé et le café, et comme remède pour guérir quasiment toutes les pathologies. Avicenne, le grand philosophe et médecin persan du XIe siècle, dans son livre « Le Canon de la médecine », la préconise à de nombreuses reprises contre toutes sortes de maux. Aujourd’hui, la nigelle est remise en avant chez les musulmans. Ils prennent une cuillère d’huile de nigelle, surnommée l’élixir prophétique, le matin à jeun et utilisent les graines moulues mélangées à du miel. Et les librairies musulmanes possèdent un espace dédié avec toutes sortes de produits : huiles, gélules, crèmes, savons, miel, tisanes… Le tout à base de nigelle !
Recette traditionnelle - Allergies, rhumes des foins, asthme
Le juriste musulman Ibn Qayyim al-Jawziyya du XIVe siècle à Damas est l’auteur d’une médecine prophétique. Ses recettes, notamment celles utilisant la nigelle, ont été reprises et adaptées en Allemagne par les docteurs Peter Schleicher et Mohamed Saleh.
Ingrédients
1 verre de graines de nigelle pulvérisées, 1 litre d’eau bouillante.
Préparation
Mettre la poudre de graines de nigelle dans une casserole, rajouter l’eau bouillante et laisser infuser 5 minutes.
Mode d’emploi
Inhaler les vapeurs pendant 10 minutes (en recouvrant la tête d’une serviette) plusieurs fois par jour en démarrant tôt le matin à jeun.