Hydrolathérapie, renaissance d’une médecine très douce
Bien souvent considérés comme un sous produit de la distillation, les hydrolats intéressent pourtant un nombre croissant de thérapeutes qui développent des traitements complémentaires aux huiles essentielles. Pédiatrie, soin des muqueuses ou cure de nettoyage : de nombreux usages sont possibles chez les petits et les grands.
Attendez cinq ans, et vous le verrez, l’hydrolathérapie aura décollé. » Ce pari, c’est le pharmacien Jean-Philippe Zahalka qui le formule, lui qui prescrit des eaux florales depuis trente ans dans son officine parisienne. Tout comme les huiles essentielles qui connaissent actuellement un grand boom dans les domaines du bien-être et de la santé, les hydrolats pourraient aussi séduire un grand nombre de Français : « Quand on s’intéresse aux premières, il est logique de s’intéresser aussi aux seconds, car c’est complémentaire », explique le pharmacien. En effet, au niveau de la fabrication, ces deux produits sont issus de la distillation à la vapeur d’eau. L’alambic permet d’obtenir au cours du même processus, – principe de la cocotte minute auquel on ajoute un refroidisseur – l’huile essentielle et l’hydrolat du végétal distillé. À la fin de la distillation, les deux produits seront séparés. De plus, au niveau des usages et des soins, les hydrolats se révèlent aussi complémentaires, car « ils permettent de traiter les sujets fragiles (personnes âgées, enfants, femmes enceintes…) ainsi que les organes sensibles comme les muqueuses, alors que les huiles essentielles sont généralement déconseillées dans ces cas », précise Jean-Philippe Zahalka.
En effet, les hydrolats peuvent être considérés comme une version « allégée » des plantes : pourtant très parfumés, ils ne contiennent qu’environ 0,1 % de principes actifs, des molécules aromatiques et des principes non aromatiques solubles dans l’eau (acides organiques, minéraux, etc.). « Alors que l’huile essentielle d’hélichryse fait des merveilles pour soigner les hématomes, on ne peut l’employer autour de l’oeil », illustre Jean-Philippe Zahalka, qui raconte comment il a aidé une personne à soigner un gros bleu situé dans et autour de l’oeil avec l’hydrolat de la même plante. « La guérison a été très rapide, d’autant plus que l’on a profité de l’effet froid du produit que je conservais au réfrigérateur. » L’oeil est, pour ce pharmacien, un organe que l’hydrolathérapie soigne très bien : orgelets et conjonctivites sont traités avec les hydrolats de camomille romaine, de lavande fine et d’eucalyptus globuleux.
L’empreinte de la plante
Jean-Philippe Zahalka traite également les effets secondaires de la chimiothérapie avec l’hydrolathérapie : il propose, en cas d’aphtose, de réaliser un bain de bouche avec de l’hydrolat de laurier. Ce dernier compte selon lui parmi les « must-have » avec l’hélichryse, la lavande fine, la menthe, la camomille romaine, le géranium, le bleuet et l’hamamélis. « Les hydrolats sont appelés à tort résidus de distillation, car bien qu’ils ne contiennent qu’une proportion faible de molécules, ces dernières sont très actives », estime le pharmacien. « On retrouve l’empreinte de la plante, car l’eau de distillation se charge de toute l’information contenue dans le végétal », ajoute Cécile Adant, pharmacienne, phytothérapeute et formatrice pour la marque Pranarôm. Les hydrolats ont donc une action...
énergétique, tout comme les macérats de bourgeons.
La pratique et les résultats obtenus par ces spécialistes semblent convaincants, mais que dit la science de l’hydrolathérapie ? Des études scientifiques en ont-elles prouvé les effets ? Les recherches ne sont pas pléthore en la matière, mais pas négligeables non plus. En 2003, par exemple, des chercheurs montraient dans la revue LWT-Food Science and Technology que les hydrolats de thym vulgaire, de serpolet et de trois espèces d’origan (Origanum vulgare, Origanum onites et Origanum majorana) inhibent des bactéries pathogènes comme Escherichia coli et Staphylococcus aureus. Cette année, des scientifiques ont publié dans le Biological and Pharmaceutical Bulletin leurs résultats sur les effets antibactériens de l’eau de rose au niveau de la peau : in vitro, cet hydrolat inhibe la croissance de Candida albicans et du staphylocoque doré, prévenant le développement de manifestations cutanées et régulant les réactions inflammatoires. Les recherches se multiplient, et l’on attend en particulier davantage d’études comparant les effets des hydrolats et des huiles essentielles.
Patricia Dalmas, naturopathe de formation, s’est passionnée pour l’hydrolathérapie, qu’elle enseigne à d’autres professionnels, mais aussi lors de stages destinés au grand public. « Il y a maintenant une quinzaine d’années, je me suis tournée vers les eaux florales pour deux raisons : d’une part, je voulais pouvoir transposer l’utilisation des huiles essentielles aux plus jeunes, soucieuse de la santé de mon enfant qui avait 18 mois à l’époque, et d’autre part, cette forme buvable me paraissait très intéressante pour réaliser des cures de nettoyage, classiques en naturopathie. » Patricia Dalmas précise que tous les hydrolats peuvent être pris en interne, mais que, pour les enfants, on doit éviter celles qui contiennent des cétones (menthe poivrée, romarin, etc.).
Jean-Philippe Zahalka ajoute que certains sont plus allergisants que d’autres : testez au préalable les hydrolats de basilic, de cannelle, de cyprès, d’encens ou de menthe sur le pli du coude. La famille des citrus, photosensibilisante, doit aussi être utilisée avec précaution : ne pas les appliquer sur la peau avant une exposition au soleil. Les hydrolats dermocaustiques et hépatotoxiques (cannelle, gingembre, origan, sarriette, thym) seront de préférence dilués dans de l’eau avant utilisation. Jean-Philippe Zahalka et Patricia Dalmas s’accordent pour dire que la qualité des hydrolats est indispensable pour obtenir une action thérapeutique. Or, elle n’est pas toujours au rendez-vous. Le pharmacien ne travaille qu’avec quelques marques triées sur le volet. Il explique que la distillation doit être très rigoureuse : « Il est préférable d’utiliser des plantes fraîches afin de retrouver dans les hydrolats des éléments contenus dans l’eau de la plante, comme les minéraux ; de plus, la qualité de l’eau de distillation doit être bonne, avec idéalement de l’eau de source. »
Attention aux imitations
La naturopathe Patricia Dalmas a quant à elle conçu sa propre gamme qu’elle qualifie de « thérapeutique » pour la distinguer d’autres produits qui sont plutôt orientés vers la cosmétique. Elle met notamment en garde contre les hydrolats auxquels sont ajoutés des conservateurs : « Ces produits ne sont pas buvables », tranche-t-elle. Pire, il y a beaucoup de faux hydrolats et de fausses eaux florales sur le marché : souvent, ce ne sont que des eaux aromatisées, c’est-à-dire de l’eau additionnée d’un arôme (naturel ou de synthèse) ou de quelques gouttes d’huile essentielle préalablement diluée dans un solvant.
Étant donné toutes ces conditions préalables à la qualité thérapeutique des hydrolats, on comprend pourquoi de nombreuses grandes marques d’aromathérapie ne les valorisent pas. Chez Pranarôm, ce n’est que très récemment qu’une gamme d’hydrolats a été lancée : « Nous avons d’abord recherché une solution technologique pour ne pas avoir à ajouter de conservateur », confie Cécile Adant en faisant référence aux flacons « airless » qui empêchent les contaminations. « Juste après la distillation, les hydrolats sont filtrés et mis en chambre froide ; une analyse bactérienne est aussi réalisée. » Retenez que les hydrolats auxquels ne sont pas ajoutés de conservateurs doivent être gardés au frais après ouverture. Ils se conservent alors pendant 6 mois à un an. Recherchez sur l’étiquette la mention « 1 kg de plante fraîche pour obtenir 1 litre d’hydrolat » : c’est la garantie d’une certaine concentration en principes actifs. Une autre façon de savoir si le produit est assez concentré est l’odeur, qui doit être intense. L’hydrolathérapie, médecine très douce et très subtile, pourra se développer, à condition que se développe aussi une offre de produits de qualité.
Des remèdes oubliés
Dans le Codex pharmaceutique, livre des officines de pharmacie, les eaux distillées étaient considérées comme de véritables « remèdes » aux XVII et XVIIIe siècles. Cependant, au gré des éditions successives de cet ouvrage, la place des hydrolats a décliné : 42 hydrolats figuraient dans le Codex de 1837, contre 8 en 1895 (cannelle, fleur d’oranger, laitue, laurier-cerise, menthe poivrée, rose, tilleul) puis 0 en 1966.
Hydrolat ou eau florale ?
Dans la pharmacopée, les hydrolats sont définis comme « des eaux chargées par la distillation des principes volatils des végétaux ». Le terme, apparu au xiiie siècle, vient du grec hydro (eau) et du vieux français lat (lait), le liquide pouvant présenter un aspect laiteux pendant quelques minutes. Tous les organes végétaux (feuilles, aiguilles, écorce, etc.) peuvent être distillés et fournir un hydrolat. Si l’on pense d’abord aux plantes aromatiques, d’autres espèces comme le bambou, le Ginkgo biloba ou le bleuet existent en hydrolat. On obtiendra alors seulement un hydrolat et pas d’huile essentielle. On parle d’eau florale quand c’est la fleur qui est distillée. Vous l’avez compris les hydrolats n’ont rien à voir avec les infusions, les macérations ou les décoctions. Pas plus qu’avec des « eaux aromatiques », (solutions d’essences mélangées à de l’eau et additionnées ou non d’alcool).
Hydrolathérapie d’hiver, mode d’emploi
La naturopathe Patricia Dalmas propose de prendre les hydrolats sous forme de cure, à raison d’une cuillère à soupe par jour par voie orale pendant trois semaines. Après les fêtes Hydrolat de romarin (foie, vésicule biliaire) ou de genévrier (élimination rénale, rétention d’eau, rééquilibrage acido-basique). En prévention des rhumes et de la grippe Sarriette pour les adultes et thym à linalol pour les enfants Contre la toux Myrte pour les adultes et hysope couchée pour les enfants (en cas de toux grasse, pour fluidifier) ; pin sylvestre (en cas de toux sèche). À savoir Liquides, prêts à l’emploi et sans alcool, les eaux florales sont particulièrement pratiques à utiliser. Elles peuvent aussi être ajoutées à l’eau du bain, vaporisées sur la peau ou appliquées en compresse et même employées à l’aide de poires vaginales (en cas de mycoses). Les hydrolats se mélangent très bien à l’eau, à du gel ou du jus.