La vérité des clairs de lune
Une nouvelle année… Et l’on réfléchit aux changements que l’on aimerait impulser. Et l’on se demande comment utiliser ce temps qui s’ouvre devant nous. N’est-ce pas le bien le plus précieux ? Or, nous vivons dans une société dont les nombreux ressorts enclenchent un triste mouvement qui restreint notre marge de manoeuvre.
Sujets à de multiples sollicitations, éclatés dans nos tâches, nous sommes pris dans un fort courant… Si l’on n’y prend garde, il nous emporte et notre libre arbitre avec !
Dans ce courant qui nous entraîne, les vraies addictions jouent un rôle croissant. Nous y consacrons le dossier de ce numéro : en ce début d’année, le moment est venu de briser nos chaînes, et les plantes peuvent apporter une aide salutaire. Mais il est intéressant de constater que toutes ces dépendances contre lesquelles on nous met en garde dès le plus jeune âge sont le produit d’activités humaines parfaitement identifiées. Que ce soit la cigarette, qui résiste aux plans antitabac successifs, l’alimentation industrielle, gorgée de sucre et de sel, les produits numériques ou les réseaux sociaux, tous nous incitent à adopter...
les mêmes comportements compulsifs. Le simple picto, « j’aime » a beaucoup plus d’emprise qu’on ne le croit. La symbolique de la récompense active un besoin humain profond. Cette gratification étant aléatoire, elle renforce notre addiction… Stendhal ne disait pas autre chose : « L’art de la civilisation consiste à allier les plaisirs les plus délicats à la présence constante du danger. »
Alors, comment garder un recul suffisant nous assurant de ne pas atteindre le point de non retour, que nous sommes pourtant en permanence invités à dépasser ? Il est une voie naturelle, à laquelle nous devrions penser plus souvent, car elle nous permettrait, j’en suis sûre, d’éviter les nombreux pièges de notre civilisation avancée. Cette solution simple, que nous avons tendance à oublier, consiste à passer un moment dans la nature, aussi longtemps, aussi souvent que possible, que ce soit, selon le goût de chacun, au bord d’un lac, dans une futaie, sur un plateau herbeux aux allures de savane… La nature est un remède puissant qui peut nous aider à prendre une distance suffisante face à la répétition des situations stressantes qui nous asservissent. Seule la nature peut nous permettre de résister au conditionnement.
Sa force réside dans sa beauté. Quand on est immergé dans un endroit sauvage, où que l’on regarde autour de soi, on est vite captivé. Le tapis fleuri d’un pré, une colline arrondie de buissons, un bois et ses premières fougères captent notre attention. Mieux que cela, le spectacle nous rassure et nous rassérène. Car la nature ne nous juge pas, elle ne cherche pas à nous contrôler ni à nous demander d’être conformes à quoi que ce soit…
Alors, en guise de bonne résolution pour 2017, et si nous devenions addicts au son du torrent qui dévale sur les cailloux, addicts au chêne contre lequel on s’adosse, addicts aux sommets enneigés ? À vous de choisir ! Et pour reprendre les jolis mots de Sylvain Tesson, je vous souhaite aussi de « renouer avec la vérité des clairs de lune » et, qui sait, de vous « soumettre à la doctrine des forêts »…