Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Homo pharmaceuticus

Médicaments

Il est enfin là, l’arrêté de juillet 2014, qui donne un cadre juridique à plus de cinquante mille compléments alimentaires à base de plantes, jusqu’ici sans statut clair sur le marché français. Mais de quel marché s’agit-il, au fait ? Celui de l’aliment, de la nutracétique ou de la santé? Selon le législateur, nous ingérons ces produits, dont nombre de formes évoquent de façon troublante celles du médicament, pour « compléter une alimentation normale ».« Normale » signifie-t-il satisfaisante en quantité et qualité ? Auquel cas, c’est la notion de « compléments » et leur pléthore qui pose question. « Normale » n’a-t-elle qu’une valeur statistique désignant l’alimentation contemporaine et occidentale dont l’adaptation à nos besoins reste alors à interroger ? Si tel est le cas, que penserait Hippocrate de cette alimentation...

dite « normale », assortie d’une tasse quotidienne de pilules et gélules diverses, lui qui classait l’alimentation au rang de première médecine?


Cet arrêté relance aussi les vieilles querelles théoriques sur la frontière entre médicinal et alimentaire, entre effet physiologique et thérapeutique, entre approche scientifique et empirique. La plupart de ces débats cachent aussi des enjeux de statuts, de monopoles, d’identités professionnelles, de domination économique qui influent sur les discours. Ces derniers nous vantent une nature bienfaisante, une tradition fiable ou une science parfaitement rationnelle et maîtresse de son objet, selon les intérêts et le positionnement de chacun. Pendant que les partisans d’une théorie ou d’une autre défendent leur posture et leurs intérêts, les patients avalent consciencieusement gélules et pilules à la recherche d’un mieux-être. Ils le font sans finalement savoir si elles vont exercer une action physiologique, nutraceutique ou thérapeutique. Pas plus qu’ils ne savent si la plante qu’ils absorbent est une pure alimentaire, une médicinale ou de celles (les plus nombreuses) qui s’ingénient à n’être clairement rien ou clairement tout.


L’apport des plantes pour la santé, dans l’alimentation ou dans les soins, est majeur. Mais l’anthropologue et la thérapeute que je suis s’interrogent : pourquoi choisissons-nous la voie de la facilité en ajoutant sans cesse de nouveaux médicaments, alicaments ou aliments à nos ingestions quotidiennes, sans nous demander quelle est leur nature ? De fait, l’arrêté entérine plus une réalité économique qu’une véritable logique thérapeutique. Et si quelqu’un peut se réjouir sans réserve de cette évolution du cadre réglementaire, c’est sans aucun doute cet « Homo pharmaceuticus », ce pur produit du XXIe siècle qui ne voit plus sa santé et son salut que dans les myriades de gélules qu’il avale. Tout heureux qu’il est de pouvoir en « profiter » en toute légalité, s’est-il rendu compte que son corps devient un lieu de bataille juridique et économique, et sa santé, un enjeu accessoire ?

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