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Bérengère Arnal-Morvan : mieux se défendre contre le cancer du sein

Bérengère Arnal-Morvan : mieux se défendre contre le cancer du sein

Conférencière, enseignante, auteure, présidente d’association, gynécologue, obstétricienne… Depuis bientôt trente ans, Bérengère Arnal-Morvan met les plantes et les femmes à l’honneur. Dans son dernier livre, elle partage les dernières avancées positives de sa pratique en prévention, traitement et suivi contre un des cancers les plus courants, celui du sein.

Plantes & Santé Dans ce livre, qui est aussi un hommage à David Servan-Schreiber, vous proposez une vision plus optimiste de cette maladie grave. Peut-on dire que le cancer du sein n’est pas une fatalité ?

Bérengère Arnal-MorvanJe ne suis pas aussi optimiste que cela, mais je crois que nous disposons aujourd’hui de nombreuses données qui nous permettent d’avoir plus d’espoir. Pour cette maladie multifactorielle, nous savons plus précisément comment influer dans le bon sens sur ses facteurs potentiellement déclenchants. Il s’agit de l’environnement, de l’alimentation, de l’activité sportive et du stress. J’élimine la génétique qui ne représente que 5 à 8 % des cancers du sein. Pas plus tard qu’hier, j’ai pris connaissance d’une étude qui démontre que les antioxydants de l’ail et de l’oignon protègent des HAP (un polluant cancérigène présent dans l’atmosphère, ndlr). Côté alimentation, une littérature scientifique abondante peut nous guider vers le moins de graisses trans et le plus d’acides gras polyinsaturés possibles, nous inciter à nous limiter à 500 g de viande rouge par semaine, à éviter le sucre et l’alcool (un verre de vin par jour) et à manger le maximum de légumes de la famille des brassicacées (choux, brocolis…). Non seulement ces derniers sont riches en antioxydants, mais on sait depuis peu que leur richesse en indol-3-carbinol favorise la voie métabolique des bons œstrogènes dans le foie et freine celle des mauvais œstrogènes. Concernant l’activité sportive, j’ai envie de mettre en avant son côté bénéfique, tant pour la prévention primaire que pour la prévention tertiaire, c’est-à-dire pour éviter les récidives.

P & S Est-ce que ces idées sont partagées par de nombreux médecins ?

B. A. Les polémiques sont loin d’être terminées et c’est ce qui rend les choses compliquées pour les femmes. Concernant le THM (traitement préconisé à la ménopause), par exemple, bien que l’on sache que cette hormonothérapie a favorisé l’augmentation du nombre de cancers du sein, les revues médicales en gynécologie défendent encore ces traitements. Il nous faut donc être très vigilants. Par ailleurs, d’autres sujets suscitent la controverse. C’est le cas du soja . En tant que médecin, quand on est confronté à ce type de contradiction, notre rôle est de donner des conseils compatibles avec le principe de précaution. Et d’adopter une position qui fait sens pour nos patientes. Ainsi, de façon générale, dès lors qu’il y a cancer du sein avec récepteur œstrogénique positif, je déconseille les phyto-œstrogènes en traitement, et les tolère dans l’alimentation si et seulement si c’est occasionnel.

P & S Comment voyez-vous l’évolution de ces approches intégratives ?

B. A. Je constate que ce sont surtout les patientes qui évoluent. Dans les services d’oncologie, je note aussi une forme d’ouverture, mais plus souvent de la part des infirmières que des médecins. Les médecins allopathiques, pour la plupart, restent dans la certitude de leur savoir. Aujourd’hui, les femmes se prennent en main, ont moins peur et sont très demandeuses de traitements complémentaires. Mais elles ont besoin de soutien. J’essaye aussi de transmettre cela de façon à ce qu’elles conservent leur libre arbitre dans la façon dont elles souhaitent se soigner. Il existe par exemple des tests du type Mamaprint, certes encore coûteux, mais qui permettent de dire si une chimiothérapie est nécessaire ou pas.

P & S Vous évoquez des techniques comme l’acupuncture, la réflexothérapie… Vous-même, vous vous appuyez beaucoup sur la phytothérapie qui est votre spécialité. Quelle place lui donnez-vous ?

B. A. Pour moi, il s’agit clairement d’une thérapeutique d’accompagnement des traitements conventionnels. Souvent, cette approche parle aux femmes sans doute parce qu’il s’agit d’une médecine plus orientée vers la personne, prenant en compte les données spécifiques de la patiente et le contexte environnemental dans lequel elle évolue.

P & S Sur quelles bases établissez-vous vos prescriptions de phytothérapie ? Il y a en effet des interactions possibles avec les chimiothérapies…

B. A. D’abord, à partir de ma connaissance des propriétés des plantes, et aussi grâce à la pratique clinique que j’ai développée depuis vingt-huit ans. Par ailleurs, je travaille en réseau avec des confrères qui s’intéressent aussi à ces questions – notamment les Dr Menat et Dumas –, ce qui nous permet d’échanger sur nos retours cliniques. On s’est ainsi rendus compte que le curcuma était très efficace sur les douleurs articulaires liées à la prise des antihormones (nécessaires parfois après la chimiothérapie, ndlr). Récemment, j’ai pu soulager une patiente de ses problèmes aux ongles liés à la chimio avec une crème à base de Centella asiatica. Enfin, on a à notre disposition de nombreuses plantes. Et quand le desmodium est déconseillé en parallèle du traitement conventionnel, je peux proposer d’autres synergies de plantes protectrices et drainantes du foie. De plus, il y a une vraie émulation du côté des fabricants qui rendent la phyto plus accessible. Mais je préconise aussi des tisanes et des décoctions qui peuvent avoir leur utilité.

P & S Pour la prévention, vous insistez en premier lieu sur la santé de l’intestin… Pourquoi ?

B. A. Pour moi, la mise en évidence du rôle primordial que joue cet organe à de nombreux niveaux est la grande nouveauté de ces dernières années. Nouveauté qui n’en est pas vraiment une, d’ailleurs, puisque les travaux actuels n’ont fait que confirmer ce que préconisait le Dr Jean Seignalet. Tout travail de médecine globale devrait commencer par entretenir, voire restaurer la muqueuse intestinale : à cet endroit, on peut établir une véritable barrière anticancer.

P & S  La lutte contre le cancer du sein donne lieu à toutes sortes de manifestations. Pour autant, on entend rarement un message tel que le vôtre. Qu’est-ce qui bloque, aujourd’hui ?

B. A. Il est clair que la majorité des médecins, même s’ils ont entendu parler de médecine intégrative, ne souhaitent pas changer leur pratique. Qui reste la pratique dominante… De notre côté, nous ne pouvons que faire notre travail avec humilité, et le partager le plus possible. 

 

A éviter ou à privilégier dans l'alimentation :  

Le soja  Le soja contient des phyto-œstrogènes (en particulier la génistéine) qui se comportent différemment en fonction du milieu hormonal, mais aussi des habitudes prises dans l’enfance d’en consommer ou non. Dans le doute, on peut à la rigueur manger un produit à base de soja par jour, obligatoirement bio et sans OGM. En cas de cancer, il faut se limiter à deux à trois fois par semaine. Mieux vaut aussi éviter les phyto-œstrogènes en tant que complément alimentaire.

Le bon gras La supplémentation en acides gras polyinsaturés augmente la sensibilité au traitement par radiothérapie des tumeurs mammaires. Mangez beaucoup de noix, de poissons ou d’huile de colza. En revanche, il n’est pas recommandé de se bourrer de gélules !

Le curcuma Administré le même jour que certains médicaments de chimiothérapie (camptochécine, doxorubicine, méchloréthamine, cyclophosphamide et vincristine), le curcuma est susceptible d’inhiber partiellement leur effet. Par précaution, hors usage condimentaire, on ne prendra pas de curcuma à visée thérapeutique deux jours avant et deux jours après les cures de chimiothérapie avec ces produits, mais aussi avec les autres molécules de chimiothérapie. Cette précaution ne s’applique cependant pas aux médicaments de chimiothérapie suivants : gemcitabine, paclitaxel, docétaxel et oxaliplatine, dont la curcumine va, à l’inverse, potentialiser l’action en sus d’améliorer la tolérance.

 

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