Craquez pour le fruit du cornouiller
Quand on aperçoit ses beaux fruits rouges, impossible de résister à la tentation. Et pour cause : le cornouiller, arbre rustique qui apprécie les sols calcaires, donne sans doute l’un des meilleurs fruits sauvages.
Je me rends souvent compte du chemin que j’ai parcouru dans la connaissance des plantes en pensant à certains végétaux qui paraissent aujourd’hui tellement familiers, et qui pourtant me semblaient, voici quelque quarante ans, relever du mythe. Ainsi en est-il du cornouiller mâle (Cornus mas) dont je croyais le nom tout droit sorti d’un roman médiéval. Cornouiller... Quel lien avec les cornes ? J’appris que son nom est dû à la solidité de son bois, dur comme de la corne. Mais pourquoi mâle, alors qu’il donne des fruits? Ce serait par opposition à un supposé cornouiller femelle dont parle Pline dans son « Histoire naturelle », mais qui n’a jamais pu être véritablement identifié... Bizarre, donc.
Ce qui en revanche relève bel et bien du réel est ma première rencontre avec les fruits de cet intéressant arbuste, lors du premier stage de survie douce que j’organisai en France à mon tour à mon retour des États-Unis. C’était en Haute-Provence, et nous étions partis pour nous nourrir exclusivement de nos cueillettes pendant une semaine. Lorsque nous découvrîmes, à l’orée d’un bois de chênes, un tapis rouge de cornouilles bien mûres, nos quelques appréhensions se transformèrent en félicité. Imaginez de grosses...
olives à pulpe molle et sucrée, d’une saveur mêlée de groseille, de cerise et de framboise. Incroyablement bon !
Par la suite, j’ai souvent rencontré le cornouiller mâle, dans la forêt de Lyons, en Seine-Maritime, et à profusion au pied des falaises qui bordent la vallée du Rhône. Chaque printemps, ses fleurs jaunes précoces font aussi la joie des abeilles qui s’en délectent. Et de plus en plus, on le plante en haies, comme un retour aux traditions, quand chacun pouvait disposer en saison d’une multitude de fruits sauvages.
Les cornouilles crues sont absolument délicieuses, à condition qu’elles soient parfaitement mûres. Elles sont produites en telle quantité qu’il est logique d’en faire des confitures pour « ne pas les laisser perdre» (vue ô combien anthropocentrique, car elles ne le sont jamais pour tout le monde: mammifères, oiseaux et insectes en font bon usage, croyez-moi!). Les confitures de cornouilles font d’ailleurs partie de mes préférées. Et je n’en déteste pas non plus la liqueur... Quand elles ne sont pas totalement mûres, les cornouilles sont orangées, dures et acides. C’est à ce stade qu’on les choisit pour les conserver en saumure, comme les olives. Dans l’est de la Pologne, j’ai eu l’occasion de visiter un vaste verger de cornouillers où poussaient des variétés aux fruits gros comme des prunes. L’une des productions principales était les cornouilles lacto-fermentées, que l’on servait avec divers plats à la façon des cornichons. Très bon, et facile à faire : les fruits, de l’eau et du sel.
J’ai aussi goûté les fruits d’autres cornouillers dans le nord de l’Europe, en Amérique du Nord et en Asie septentrionale, mais plutôt insipides (Cornus suecica, C. canadensis). J’ai nettement préféré ceux du Cornus kousa découvert au Japon, sortes de grosses fraises roses. Mais j’avoue avoir un penchant, peut-être un peu d’ordre affectif, pour nos cornouilles...
Herbier
Le cornouiller mâle (Cornus mas) se reconnaît facilement à ses larges feuilles ovales, opposées sur les rameaux et parcourues de nervures parallèles convergentes au sommet. Ses petites fleurs sont jaune clair et ses fruits rouges, de la forme et de la taille d’une olive. On évitera de le confondre avec le cornouiller sanguin (Cornus sanguinea), aux rameaux rougeâtres, aux fleurs blanc pur et aux petits fruits noirs emplis d’une pulpe verte et grasse, qui passent pour être toxiques.
Recette sauvage
Liqueur de cornouilles
Ingrédients 1 kg de cornouilles • 3 l d’eau-de-vie de fruits • 200 g de sucre
1. Mettez les cornouilles dans un grand pot en grès ou dans une dame-jeanne.
2. Remplissez d’eau-de-vie, ajoutez le sucre et laissez macérer un mois
3. Passez le tout au moulin à légumes pour réduire les cornouilles en purée et éliminer les noyaux, puis recueillez le jus épais.
4. Conservez cette magnifique liqueur rouge dans de jolies bouteilles et dégustez occasionnellement à la fin du repas.