Le chénopode blanc, un épinard sauvage
Certaines plantes sont détestées, le plus souvent à tort. Si elles se montrent envahissantes, elles font souvent preuve de qualités dont nous aurions tort de nous priver. C’est le cas du chénopode blanc, qui, dépassant le mètre, nous régale généreusement de ses feuilles et de ses graines.
À l'âge de 19 ans, je décidai de me lancer dans le jardinage pour produire une partie de ma nourriture et devenir indépendant du « système ». Mais la réalisation de ce projet s’avéra moins facile que prévu. Parmi mes épinards et mes laitues poussaient spontanément quantité de plantes inconnues, d’abord à peine visibles, puis d’une ampleur vite inquiétante. Ma première pensée fut bien sûr de les arracher. Mais à la réflexion, il me parut intéressant de savoir au moins qui elles étaient et si elles pouvaient présenter quelque intérêt. Les identifier se révéla nettement plus facile que de déterminer leur utilité. Les livres sur les plantes sauvages comestibles étaient alors pratiquement inexistants, mais après des recherches en bibliothèque, j'appris avec surprise que le chénopode blanc, d’ailleurs cousin des épinards, était un excellent légume, que la stellaire formait l’une des meilleures salades qui soient, que le laiteron donnait des pousses délicieuses... Il valait donc bien la peine de sacrifier pour cela un peu de mes épinards et de ma laitue, dût l’aspect de mon potager en souffrir... aux yeux des autres !
Un trésor méprisé
Cette connaissance transforma ma vie, car j’avais soudain à ma disposition une source de nourriture énorme et gratuite. Toutes ces plantes délaissées, ou plutôt activement combattues par les jardiniers, venaient remplir mon assiette et nourrir mon corps. Et combien de stagiaires à qui je les ai fait découvrir depuis m’ont déclaré, abasourdis : « Eh bien, quand je pense que j’ai arraché pendant des années tous ces...
trésors!»
Le chénopode blanc est un épinard sauvage. Disons plutôt que l’épinard est un chénopode cultivé, puisqu’il a été introduit en Europe après les Croisades et n’a véritablement percé qu’à la Renaissance, alors que le chénopode blanc est consommé sur notre continent depuis le Néolithique. Il est arrivé avec les céréales proche-orientales et s’est largement naturalisé grâce à la déforestation et à la culture, puisqu’il aime les terres nues caractéristiques de notre système agricole. La raison de sa prolifération tient au nombre de graines que produit chaque pied (des dizaines de milliers), dont chacune peut attendre patiemment plus de cinquante ans dans le sol avant de germer...
Le chénopode blanc est assez tardif, car il lui faut de la chaleur pour se développer. Mais il couvre bientôt le sol d’un épais tapis vert. C’est le moment d’en cueillir les jeunes pousses. Je les coupe délicatement, entre les doigts ou au couteau, pour les ajouter à mes salades. Lorsque la plante se développe, je continue à en récolter les sommets avec la partie tendre de la tige. Ma façon préférée de les accommoder consiste à les passer Le chénopode blanc est assez tardif, car il lui faut de la chaleur pour se développer. Mais il couvre bientôt le sol d’un épais tapis vert. C’est le moment d’en cueillir les jeunes pousses. Je les coupe délicatement, entre les doigts ou au couteau, pour les ajouter à mes salades. Lorsque la plante se développe, je continue à en récolter les sommets avec la partie tendre de la tige. Ma façon préférée de les accommoder consiste à les passer.
Les petites graines se consomment comme celle du quinoa, sa cousine. Mais il faut les cuire à deux eaux pour en éliminer les saponines.
Herbier
Le chénopode blanc (Chenopodium album) dépasse facilement 1 m de hauteur. Ses tiges raides, dressées, striées de blanc, portent de petites feuilles bordées de lobes arrondis, épaisses, d’un vert foncé, couvertes sur leur face inférieure de poils blancs, sphériques. Ces poils donnent un toucher caractéristique, un peu humide à la plante, surtout vers son sommet. Les fleurs sont de minuscules boules vertes groupées aux sommets des rameaux. Elles donnent de petites graines noires, aplaties, luisantes.
Les chénopodes appartiennent, comme les épinards et les bettes, à la famille des Amaranthacées. Il en existe de nombreuses espèces, toutes assez proches les unes des autres et comestibles des mêmes façons.
Recette sauvage - Gaspacho de chénopode blanc
Ingrédients
• 1 concombre
• 2 tomates
• 1 poivron
• 1 oignon
• 3 gousses d’ail
• 300 g de chénopode blanc
• 200 g de pain rassis
• eau
• 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive
• 1 cuillerée à soupe de vinaigre
• sel, piment selon votre goût
• quelques feuilles de basilic
• glaçons
1. Hachez finement le concombre, les tomates, le poivron, l’oignon, l’ail et le chénopode blanc (les proportions peuvent varier suivant votre goût. Vous pouvez d’ailleurs y ajouter ou y substituer d’autres légumes).
2. Faites tremper le pain rassis dans de l’eau.
3. Placez les trois quarts des légumes dans un saladier avec le pain trempé.
4. Ajoutez l’huile d’olive, le vinaigre, le sel, le piment et le basilic hachés. Délayez avec la quantité d’eau qui vous semblera nécessaire pour obtenir un consommé liquide.
5. Passez au mixer, puis ajoutez le quart restant de légumes.
6. Servez très frais, après avoir ajouté des glaçons.