Le galinsoga, une savoureuse latina
Son nom a de quoi intriguer, et on se plaît à se cultiver en se penchant sur son étymologie. Mais c’est surtout en se penchant pour la récolter que l’on est séduit par cette plante exotique à déguster. Une vraie crème.
La première fois que j’ai entendu parler du galinsoga, je vivais encore aux États-Unis. C’est son curieux nom anglais qui retint mon attention : gallant soldier, soldat galant... Il n’est pas facile d’imaginer qu’il s’agit là d’une altération du nom scientifique de la plante, dédiée à Martinez Galinsoga, directeur du jardin botanique de Madrid au début du XVIIIe siècle. Les Anglo-Saxons sont d’ailleurs coutumiers du fait, comme en témoigne le nom populaire du topinambour, Jerusalem artichoke, dérivé de l’italien girasole (tournesol)... Rien à voir avec la Ville sainte !
Ma première rencontre sérieuse avec cette plante intrigante eut lieu dans les serres d’un maraîcher de la région parisienne où j’ai l’habitude de donner des stages de découverte au printemps et en automne. Le sol de ses vastes tunnels, où étaient censées croître diverses variétés de tomates, était couvert d’un épais tapis vert ponctué de petites taches blanches et jaunes. Une rapide observation m’apprit que ces taches étaient en fait des capitules formés de quelques languettes blanches entourant un cœur de tubes jaune d’or : une Astéracée, donc (une Composée, comme on disait à l’époque où ma mère tentait de m’enseigner quelques rudiments de botanique...). Mais laquelle ? La famille est vastissime : avec plus de 22 000 espèces différentes répandues à travers la planète, c’est la plus grande du monde !
Heureusement, quelques critères particuliers viennent souvent aider à la détermination. En l’occurrence, la plupart des membres de la famille...
ont des feuilles alternes, disposées une à une le long de la tige : rares sont celles dont les feuilles sont opposées, situées l’une en face de l’autre. Or c’est le cas de notre galinsoga, que je n’eus donc aucun mal à identifier.
Si j’étais heureux de rencontrer cette plante, je le fus davantage encore de la déguster. Lorsqu’elle est jeune, ses feuilles sont grandes, tendres et se récoltent avec les tiges et les fleurs. Elles sont délicieuses, avec un goût inimitable de topinambour tirant sur l’artichaut. Même quand la plante vieillit, elle conserve cette saveur. Mais alors, les tiges sont dures et il faut cueillir une à une les feuilles, devenues un peu plus coriaces. À ce stade, le galinsoga reste pourtant un excellent légume sauvage.
Il m’inspire, je dois dire. La ferme où je le connus la première fois était située près de Soissons où les célèbres gros haricots blancs du même nom y étaient cultivés. J’imaginai donc une purée de Soissons avec une crème de galinsoga, devenue un plat incontournable dans mes stages. Pour faire plus traditionnel, allons en Amérique du Sud, d’où est originaire notre plante. Vers la Colombie, plus précisément : le plat national y est l’ajiaco, un ragoût de poulet, d’avocat, de maïs frais, de deux sortes de pommes de terre et de guasca (nom local du galinsoga), que les expatriés préparent avec du galinsoga séché, importé du pays, sans se douter que, très probablement, la plante pousse comme «mauvaise herbe» sur leur balcon ...
Herbier
Le galinsoga est une plante grêle ou robuste, suivant le substrat où elle pousse, pouvant atteindre une cinquantaine de centimètres de haut, voire davantage. Sa tige principale est dressée, les autres ont tendance à s’étaler, donnant ainsi de l’ampleur à la plante. Les feuilles sont opposées et munies d’un pétiole. Elles sont larges, mesurant jusqu’à 7 cm sur 5, et bordées de quelques dents pourvues chacune d’une petite pointe. Les capitules sont composés de quelques ligules blanches à trois dents entourant une trentaine de tubules jaunes. La plante est commune dans jardins, champs, friches.
Recette sauvage
Purée de Soissons à la crème de galinsoga
Ingrédients
300g de haricots de Soissons • 2 oignons, 1 c. à s. d’huile d’olive • 400 g de feuilles de galinsoga • 3 c. à s. d’huile de tournesol non raffinée • 1 c. à s. de purée de sésame • 2 c. à s.de yaourt de soja, sel • 1 tranche de pain par personne • quelques gousses d’ail.
1. Faire tremper les haricots de Soissons pendant une nuit.
2. Les mettre à bouillir pendant une heure ou davantage jusqu’à ce qu’ils soient bien cuits.
3. Les laisser suffisamment refroidir pour pouvoir retirer la peau de chaque grain.
4. Mixer pour obtenir une purée épaisse, à conserver au chaud.
5. Hacher les oignons et les faire blondir à la poêle dans l’huile d’olive, sans qu’ils ne colorent. Les réserver.
6. Faire cuire les feuilles de galinsoga en les couvrant à peine d’eau.
7. Lorsqu’elles sont cuites, les mixer et ajouter les oignons, l’huile de tournesol non raffinée, la purée de sésame, le yaourt de soja et le sel. Mixer.
8. Faire légèrement griller les tranches de pain et les frotter d’ail.
9. Dans chaque assiette, déposer un dôme de purée de Soissons, faire un cratère au sommet pour y verser la crème de galinsoga et ficher en son flanc la tranche de pain grillée.