Tout savoir sur l’épiaire des bois
Ne soyez pas rebuté par ses effluves qui ne mettent pas forcément l’eau à la bouche, lors de la première rencontre. Car l’épiaire des bois peut aussi faire saliver les gastronomes avertis … Si tant est qu’on sache l’accommoder !
Donnez sa chance à l'épiaire des bois
Certaines plantes sont faciles d’accès, telles que la menthe ou l’ail des ours: on sait tout de suite à quoi s’attendre. D’autres, en revanche, réservent des surprises.
C’est le cas de l’épiaire des bois. Je savais depuis longtemps que toutes les cousines de la menthe et du thym, dans la grande famille des Labiées, étaient comestibles. Mais celle-là, franchement, ne m’inspirait pas. Imaginez un végétal vivant au plus sombre des bois, avec de longues feuilles semblables à celles de l’ortie, mais molles et ternes, et surtout dégageant un parfum évoquant la serpillère usagée... ou, pour le moins, l’humus du sol forestier. Pas très engageant pour la cuisine ! Pourtant, lorsque je vivais aux États-Unis, j’eus à plusieurs reprises l’occasion de « déguster », préparées par des collègues-cueilleurs, quelques salades où les feuilles d’épiaire se mêlaient à celles d’autres plantes, heureusement plus savoureuses.
L’impression gustative confirma malheureusement mes craintes olfactives: chaque bouchée m’apportait des relents de torchon sale, ce qui ne semblait guère troubler mes hôtes, habitués à la cuisine américaine, souvent bien pire d’ailleurs. C’est ma rencontre avec Marc Veyrat, cuisinier savoyard des plantes sauvages, qui me réconcilia avec l’épiaire des bois. Lorsque nous écrivions ensemble notre Herbier gourmand (Éd. Hachette), je lui présentais régulièrement de nouvelles plantes sauvages à tester, afin de stimuler sa créativité culinaire. Je lui tendais parfois quelques pièges...
innocents en lui faisant goûter des végétaux (non toxiques !) que je jugeais peu agréables. Je lui apportai donc un jour de l’épiaire. Marc en prit une feuille qu’il se mit à frotter entre ses doigts tout en discutant avec moi. Au bout de quelques minutes, son visage prit une expression d’étonnement et il s’écria, tout excité : « Ça, c’est du cèpe ! », en me tendant la feuille toute froissée. Incroyable! Comment avais-je pu passer à côté de cette odeur profonde, magnifique, qui évoquait effectivement le champignon et le chocolat? Marc passa en cuisine et me concocta un extraordinaire « consommé de cèpe virtuel », que j’aime à préparer depuis dans mes stages.
L’épiaire des bois est devenue l’une de mes plantes préférées et je l’ai travaillée pour tenter d’en sortir de nouvelles recettes. Ma favorite est sans conteste le «sorbet d’épiaire des bois à l’huile d’olive » où se marient la saveur de champignon, le sucre et le gras parfumé de l’huile d’olive. Personne n’y reste indifférent ! Les feuilles d’épiaire sont délicieuses sautées à la poêle avec des pommes de terre, que l’on croit accompagnées de champignons. Et le soufflé d’épiaire des bois est un délice.
Cette plante se rencontre en abondance dans pratiquement tout l’Hexagone et dans les pays voisins. L’un de ses intérêts réside dans la facilité de sa détermination, ne serait-ce que par son odeur ; un autre, dans sa présence du printemps à la fin de l’automne, car même lorsque la plante vieillit, elle reste utilisable et conserve ses facultés aromatiques.
Herbier
L’épiaire des bois (Stachys sylvatica) est une plante vivace atteignant quatre-vingt centimètres de hauteur. Sa tige dressée présente une section carrée et porte des feuilles opposées et décussées, comme toutes les Lamiacées (ou Labiées). Les feuilles sont larges, aiguës et dentées. Elles évoquent celles de l’ortie, mais la plante, bien qu’elle soit densément velue, ne pique pas. Ses fleurs présentent une corolle d’un rouge pourpre munie de deux lèvres écartées. En la retirant, on découvre au fond du calice quatre nucules caractéristiques de la famille. La plante est commune dans les bois et les forêts.
Le genre Stachys comporte plus de 300 espèces à travers le monde. Dans nos régions, il s’agit principalement de l’épiaire des Alpes (Stachys alpina), de l’épiaire annuelle (Stachys annua), de l’épiaire droite (Stachys recta) et de l’épiaire des marais (Stachys palustris). Cette dernière, un peu comme le crosne (Stachys affinis), possède un rhizome rentré et comestible.
Recette sauvage
Sorbet d’épiaire à l’huile d’olive
Ingrédients : 500 g d’épiaire des bois avec les tiges • 1 litre d’eau • 200 g de sucre • deux cuillerées à soupe d’huile d’olive.
1. Hacher grossièrement l’épiaire des bois (avec tiges, feuilles, fleurs) et la séparer en trois tas égaux.
2. Faire bouillir le premier tiers dans l’eau pendant dix minutes avec le sucre.
3. Retirer du feu et ajouter le deuxième tiers. Laisser infuser dix minutes.
4. Ajouter le troisième tiers et mixer longuement.
5. Filtrer et mettre dans une sorbetière.
6. Ajouter l’huile d’olive et laisser turbiner jusqu’à ce que le sorbet soit pris.