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Pieux remèdes et charité, un patrimoine bourguignon

remède

Quand on évoque le patrimoine hospitalier de Bourgogne, on pense souvent aux prestigieux Hospices de Beaune. Mais un peu plus au nord, dans le pays d’Auxois, de charmants villages ont entrepris de valoriser un patrimoine tout à fait étonnant. Avec notamment, préservées dans leur jus, deux apothicaireries datant du XVIIe siècle.

L’une abrite de très belles boiseries à galerie datant de 1763, à Alise- Sainte-Reine ; l’autre, un meuble à fines colonnettes torsadées sublimé par un rare travail d’ébéniste, réalisé sans doute dans la seconde moitié du XVIIe siècle, à Moutiers-Saint-Jean. Ces deux apothicaireries ont aussi conservé en parfait état environ deux cents pots chacune. En faïence, avec un décor bleu ou doré pour les plus tardifs, ils portent encore parfois les indications des produits de l’époque : sang-dragon (issu de l’arbre dragonnier), blanc de baleine, myrrhe en larmes... Un peu comme dans certaines vieilles bibliothèques, nous voilà respirant ce parfum d’un savoir aussi étendu que sulfureux. Nous voilà dans les coulisses de la préparation de remèdes dont le secret des composants, issus aussi bien de matières végétales qu’animales, et dans une moindre mesure de minéraux, fut bien gardé. « Quand la sœur apothicaire s’absentait, elle devait non seulement fermer à clé, mais aussi la garder sur elle, sous peine de s’exposer à des sanctions », précise ainsi Gérard Beurdeley, président de l’association de sauvegarde de l’apothicairerie de Moutiers-Saint-Jean. À Alise-Sainte-Reine, c’est un système ingénieux de serrure qui empêchait quiconque d’entrer dans les lieux.

Le soutien de Saint Vincent de Paul

À partir du XVIIe siècle, les apothicaireries tiennent un rôle non négligeable dans les Hôtels-Dieu. Même s’il est beaucoup question de charité avec la mission de nourrir, loger les pauvres tout en faisant rayonner la religion chrétienne, on y soigne aussi les corps (lire l’encadré ci-contre). D’ailleurs, la présence d’une apothicairerie nécessitait «une autorisation spéciale et la présence locale d’une personnalité médicale », explique Gérard Stassinet, président de l’association d’Alise-Sainte-Reine. Au quotidien, la responsabilité de faire tourner...

les établissements revient à la Compagnie des Filles de la Charité, une congrégation créée par Saint Vincent de Paul en 1623 et toujours bien implantée en Bourgogne.

Que ce soit l’imposant bâtiment accroché au mont Auxois d’Alise-Sainte-Reine ou l’hôpital plus modeste de Mou- tiers, tous deux sont liés à cette personnalité influente. Ainsi, les deux bourgeois parisiens qui entreprennent la construction de l’hôpital à Alise bénéficient du soutien de Saint Vincent de Paul. Dans la foulée, ce dernier obtient d’Anne d’Au- triche, la mère de Louis XIV, une rente pour l’hôpital. À Moutiers, le fondateur l’abbé Rochechouart était aussi un proche de Saint Vincent de Paul et en 1706, un contrat précise les droits, devoirs et obligations des Filles de la Charité.

Ces dernières ont fort à faire. Et les sœurs apothicaires encore plus ! Elles ont en charge la préparation des onguents, électuaires, s’occupent de s’approvisionner en plantes – toutes ne viennent pas du jardin des simples –, gèrent les dépenses et les équipements (à Alise-Sainte-Reine, à côté de l’officine aux belles boiseries, le laboratoire abritait deux alambics de distillation)... C’est au contact d’une aînée ou par l’expérience qu’elles acquièrent ce savoir leur permettant d’assurer « leur vocation à être consolatrice des âmes et des corps ». Au menu figurent de nombreuses plantes locales comme la rose de Provins pour «fortifier l’estomac, arrêter les vomissements et les hémorragies », ainsi que les nouvelles plantes venues d’Amérique. Ou des recettes plus extravagantes, comme celle détaillée dans un manuel retrouvé à Alise-Sainte-Reine pour venir à bout de l’épilepsie avec du suc de taupe. Ce passé médical utilisant toutes sortes de matières premières est loin d’avoir livré tous ses secrets...

Soigner les corps et les âmes

Au milieu du XVIIe siècle, la religion catholique vit une période de réformes dans lequel la charité tient une grande place. La noblesse de robe et la bourgeoisie vont se montrer particulièrement actives en Bourgogne en y multipliant les bonnes œuvres. Plusieurs Hôtels- Dieu ou hôpitaux accueillent les infortunés. Symbole de l’omniprésence de l’église, sous l’autorité de laquelle ces établissements sont placés, leur plan est conçu un peu sur le modèle d’une église avec au centre une chapelle et de part et d’autre deux salles de malades : les femmes d’un côté et les hommes de l’autre, les malades devant pouvoir entendre la messe depuis leur lit. L’incitation à la piété fait en effet partie des soins car il est aussi question de soigner les âmes. Et sous l’influence de Saint Vincent de Paul, soigner devient une forme de prière. Les autorités ecclésiastiques jouent un rôle non négligeable pour apporter des fonds à ces institutions de bienfaisance. Des troncs étaient installés dans les églises, tandis que les évêques demandaient régulièrement des quêtes publiques dans leur diocèse.

En pratique

La protection de ces deux sites et leur rayonnement reposent sur deux associations qui se chargent de faire visiter les lieux.

Moutiers-Saint-Jean
Ouverture De juillet à août, les mercredis et samedis de 14 à 17h et le dimanche de 14 à 18h. Le reste de l’année sur R.-V. pour les groupes de plus de neuf personnes.
Contact Association Monsieur Vincent. Tél.: 06 86 68 55 85 Tarifs 2,5 €, 2 € pour les groupes, gratuit pour les moins de 12 ans. L’association organise également différents événements pour mettre en valeur ce patrimoine.

Alise-Sainte-Reine
Ouverture Les mercredis de juillet et août de 14h à 17h. Le reste de l’année, visites sur rendez-vous, six personnes minimum.
Contact Association Desnoyers-Blondel Tél.: 06 86 93 50 73 ou auprès de l’office de tourisme du Pays d’Alésia, Tél. : 03 80 96 89 13.
Tarifs 4 € ; étudiants, jeunes de 12 à 18 ans 3 €, gratuit pour les moins de 12 ans.

Y aller
Ces deux villes se situent à une quinzaine de kilomètres de la gare TGV de Montbard (21). En voiture, prendre l’autoroute A6, sortie Bierre-les-Semur.

Hébergement
Les Eaux calmes, maison d’hôtes à Talcy. Chambre à partir de 63 € pour 2 personnes. Tél. : 08 99 34 39 66 

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