Glissez-vous dans les coulées vertes parisiennes
Dans et autour de Paris, quatre coulées vertes nous déroulent leurs espaces de nature. Très appréciées des promeneurs, elles le sont aussi de la végétation, qui y a repris ses droits. Ces chemins, relativement anciens pour certains, traversent la ville et sont même aujourd’hui perçus comme de véritables réservoirs de biodiversité. Suivons-les !
Le chemin avance entre les érables sycomores, les peupliers trembles et les saules blancs. Au beau milieu de cet écrin vert, un immeuble apparaît soudain dans un coin de ciel. L’impression de petit bois cède la place à l’urbain: des murs de béton se cachent derrière ce mur végétal! Cette promenade nature se trouve en plein Paris, sur l’ancienne Petite Ceinture. Depuis 2013, elle traverse sur 1,3 kilomètre une partie du XVe arrondissement et relie les parcs Georges-Brassens et André-Citroën. Mais elle n’est pas la seule: quatre coulées vertes font le bonheur des promeneurs en manque de verdure sur Paris et sa petite couronne, une zone urbanisée à 85 %. Avec le temps, ces couloirs jouent un rôle écologique important car ils créent des liens entre des sites de forte biodiversité qui sont ainsi pérennisés.
L’idée de ces passages de verdure n’est pas récente. La première coulée verte date de 1989, répondant à la demande des habitants qui avaient exprimé leur souhait d’un espace destiné à la promenade. Elle s’étend sur 48 ha dans le sud parisien, entre la place de Catalogne, derrière la gare de Montparnasse, et Massy, le long de la ligne TGV. Promeneurs et cyclistes y circulent au milieu de prairies herbeuses laissées aujourd’hui le plus possible à l’état naturel. Contrairement aux parties jardinées qui reçoivent un entretien régulier, certaines zones ne sont fauchées qu’une fois l’an et ne sont ni arrosées, ni désherbées, ni tondues. Le bois mort, très important pour les insectes, reste au sol, tout comme les feuilles, et les techniciens appliquent des règles communes pour limiter l’impact négatif sur l’environnement : aucun pesticide n’est utilisé, les invasives sont régulées manuellement et les prairies sont fauchées tardivement...
. Les résultats ne se sont pas fait attendre : plusieurs plantes rares, voire introuvables, ont fini par réapparaître dans cette zone. Au bord des chemins, on pourra croiser quelques pieds de centaurée scabieuse, de gesse tubéreuse ou encore de mauve musquée. Une richesse attrayante qui draine une foule de promeneurs de plus en plus nombreux, ce qui n’est pas sans poser problème : qui dit augmentation de la fréquentation dit aussi dégradation plus importante des milieux...
Renaissance végétale
Dans Paris intra-muros, la coulée verte René-Dumont, anciennement dénommée Promenade plantée, surplombe l’avenue Daumesnil dans le XIIe arrondissement. Friches et plates-bandes horticoles ont remplacé dès 1990 la ligne ferroviaire abandonnée, remodelant totalement le visage du quartier. Les 4,7 kilomètres d’espaces aménagés filent à travers l’est parisien, depuis Bastille jusqu’à la porte de Montempoivre. Piétonne sur sa première partie, la promenade devient ensuite accessible aux vélos, aux rollers et aux skateboards jusqu’au périphérique.
Mais le plus bel exemple de réservoir de biodiversité est sans aucun doute la Petite Ceinture qui encercle Paris. Plusieurs fragments ont déjà été transformés en sentiers de randonnée, tandis que d’autres ont été aménagés en jardins partagés, dans le XVe et le XVIe arrondissement. Problème : elle appartient à Réseau ferré de France (RFF), qui ne cache pas son ambition d’y faire à nouveau circuler des trains pour le transport de personnes. De fait, une bonne partie du parcours reste inaccessible.
Quand cela a été possible, la nature a repris possession des lieux. Ainsi, en se baladant sur le sentier nature du XVIe, le promeneur croise des zones humides, des prairies, des talus calcaires et des boisements. Ici règne en maître la flore commune d’Île-de-France : mauve, clématite, onagre bisannuelle, avoine élevée... Cette renaissance végétale fait la démonstration d’un milieu en meilleur état. Les inventaires réalisés régulièrement sur ces terrains notent d’ailleurs une recrudescence d’espèces plus rares : le maceron potager, rarissime en Île-de-France, n’a jamais été observé ailleurs dans Paris que sur ce sentier. Les fougères comme le capillaire, la rue des murailles et la fougère mâle y prospèrent alors qu’elles restent difficiles à dénicher dans le reste de la ville.
Au-delà de leur vocation comme lieu de promenade, ces kilomètres où la végétation foisonne intéressent de plus en plus les naturalistes. Classées comme espaces naturels sensibles, les coulées vertes bénéficient ainsi d’une protection supplémentaire. Ne reste plus qu’à s’y glisser pour observer une nature à la fois timide et vigoureuse. Mais toujours fragile.
1. Le maceron potager (Smyrnium olusatrum L.)
Espèce habituée au sable et aux bordures de haies ou d’habitations, le maceron potager a disparu des mémoires. Utilisé autrefois comme légume, il aurait servi de poivre chez les Romains. Charlemagne mangeait ses racines et ses feuilles. Appelé aussi grande ache, persil de cheval ou gros persil de Macédoine, il a réapparu sur la Petite Ceinture.
2. L’onagre bisannuelle (Oenothera biennis L.)
Courante dans les terrains vagues, l’onagre bisannuelle est assez utilisée. Ses graines fournissent une huile utilisée dans l’industrie cosmétique pour ses acides gras et son effet contre le vieillissement de la peau. Les Anglais utilisent quant à eux ses feuilles en infusion contre le rhume.
En pratique
Simple promenade de 1,3 km ou longue randonnée de plus de 20 kilomètres, les coulées vertes nous font découvrir des milieux diversifiés où la nature colonise les lieux avec le soutien ou non de l’homme. Sur la Petite Ceinture, plusieurs associations et mouvements ont créé des espaces conviviaux où ont régulièrement lieu des actions alternatives. Certains endroits ressemblent ainsi à de véritables oasis. En voici une petite liste.
Les Jardins du Ruisseau, 110 bis rue du Ruisseau, Paris XVIIIe.
Jardin du Colonel Manhès, 12 rue du Colonel-Manhès, Paris XVIIe.
Association Vert-Tige, rue de Coulmiers, Paris XIVe, vert.tige.asso.free.fr