Les Jardins du Marais : Rêve d’autarcie sur la presqu’île de Guérande
Potager et jardin d’ornement, les Jardins du Marais témoignent d’un engagement radical pour la culture vivrière et le respect d’une écologie engagée. Visite d’un lieu qui invite à suivre son idéal, contre vents et... marais.
Les Jardins du Marais sont situés au cœur du Parc naturel régional de Brière, un ensemble de marais nichés entre les estuaires de la Loire et de la Vilaine. Seuls 20 km séparent le jardin de La Baule ou de Saint-Nazaire, et pourtant, ici, on se sent loin, très loin de la ville. Voire de la civilisation : îlot hors du temps, le jardin est placé sous les auspices de la décroissance et de la lutte pour l’autarcie. Malgré l’opiniâtreté nécessaire pour s’adapter à un biotope exigeant (zone régulièrement inondée, terre riche mais acide...), le jardin dense et flamboyant est une invitation à la rêve- rie poétique. En amont du potager, le visiteur contourne une roulotte, vestige de la jeunesse nomade du jardinier et maître des lieux, Yves Gillen, qui y vit toujours ; il l’a agrandie d’une cuisine qui domine les rangées de légumes. Dans l’un des deux étangs, l’île aux nains jouxte l’île aux fées ; quelques sculptures de joncs semblent flotter sur l’eau ; sur l’autre rive, on aperçoit une chaumière atelier d’artiste au toit recouvert de roseaux ; à son faîtage poussent des graminées. Des petits chênes sont maintenus en boule ou en nuage, façon art topiaire: depuis trente-cinq ans, ils sont taillés à la main deux fois par semaine. Leur couleur contraste avec la tourbe noire des sentiers qui, à un mètre de profondeur, date de 5 000 ans. Des ponts de bois enjambent les canaux et chaque hiver, un nouveau canal est creusé à la pelle, car les engins à moteur sont ici proscrits : « Par respect pour le silence des végétaux et pour pouvoir écouter les grenouilles », explique Yves Gillen. Même la tondeuse, qu’il passe dans les allées plus de trois cents fois par an, est manuelle.
Un jardin vivrier sur une tourbière
Des chaises sont installées à l’ombre d’une glycine, taillée en arbre, près d’un citronnier à la floraison odorante. Yves Gillen y accueille lui-même les visiteurs à qui il prodigue moult conseils issus de sa pratique du jardinage bio. Comme s’il recevait des amis, il raconte l’œuvre...
d’une vie. Tout commence en 1975. Après cinq années passées à parcourir la France en roulotte, il décide avec sa femme de faire de cette tourbière un jardin vivrier. Très naturellement, ils commencent par le potager, « tout près de la cuisine pour être les premiers à se servir », précise-t-il. Et puis, « un potager, c’est une démarche politique qui consiste à faire pousser sa nourriture sans rien demander à personne: 100 m2 couvrent environ 75 % des besoins d’un régime végétarien ». Il confesse pourtant que lorsqu’il a commencé à planter ses premiers légumes, il y a quarante ans, il n’y connaissait rien. « C’est mon jardin qui m’a tout appris », assure-t-il. Un bon enseignant, puisqu’Yves Gillen est par la suite intervenu comme formateur au Potager du Roi, à Versailles. Ici, les fleurs côtoient les légumes, car « un potager doit devenir un jardin d’ornement et un jardin d’ornement peut devenir un potager ». Des petits pois grimpent sur une clématite et les hémérocalles côtoient les courgettes. Au milieu des carottes, deux rangs de poireaux, dont l’odeur permet d’éloigner la mouche de la carotte. La quête d’autarcie peut prendre des accents d’une âpre lutte, mais elle a pour corollaire une liberté à laquelle Yves Gillen est viscéralement attaché, tout autant qu’à son jardin, comme en témoigne sa devise : « Pour être heureux, il faut jardiner. Ne serait-ce qu’un quart d’heure par jour. »
Les 5 lois d’un potager en mouvement
1. Le potager sera situé à l’abri du vent et organisé en bandes de terre surélevées de 1,20 mètre de large, qui permettent de programmer les plantations et d’assurer la rotation bisannuelle des cultures.
2. La terre sera composée d’un tiers d’argile, un tiers de silice (sable) et un tiers d’humus.
3. Le sol ne sera pas laissé à nu. Optez pour le paillage, qui nourrit les micro-organismes du sol et limite désherbage et arrosage.
4. La terre ne sera jamais retournée. Ce geste dépose en surface des micro-organismes anaérobies (sans oxygène) et enfouit la matière organique aérobie. Cette dernière, très riche et pas encore décomposée, fragilise les radicelles des légumes. Pour éviter de mélanger ainsi les couches de terres, optez plutôt pour le décompactage à l’aide d’une binette ou d’une grelinette à trois ou cinq dents.
5. Le sol sera composté toute l’année. Un bon compost est composé d’un tiers d’azote (gazon, végétaux) et de deux tiers de carbone (paille, feuilles sèches...). Si les pommes de terre et les tomates s’accommodent d’une matière organique à peine décomposée, les carottes ont besoin d’un compost presque tamisé.
Les azalées (Azalea)
De la famille des rhododendrons, ces arbustes rustiques à la floraison généreuse apprécient l’ombre et la mi-ombre. Originaires d’Asie, les azalées recouvrent certaines montagnes japonaises. Ses fines racines exigent un arrosage abondant (mais elle craint l’eau stagnante) et un sol acide. Aux Jardins du Marais, on en trouve de nombreux spécimens dans l’Allée des azalées, qu’Yves Gillen a plantée dans un sous-bois aux massifs surélevés. Il les a choisies car elles sont adaptées à son biotope (humidité, terre acide). Un spécimen d’azalée de Chine résiste particulièrement bien aux inondations.
La renouée du Japon (Fallopia japonica)
Herbacée géante à larges feuilles, souvent croisée le long des fleuves, la renouée du Japon peut atteindre 3 m de hauteur et ses feuilles peuvent mesurer jusqu’à 20 cm. La croissance de ses tiges au printemps est spectaculaire (plus de 4 cm par jour), mais ses petites fleurs blanches et parfumées ne surgiront qu’à l’automne. Familière des bords de route et des terrains en friche, elle est souvent considérée comme une invasive. En Asie, on la cultive pour ses propriétés médicinales alors qu’aux Jardins du Marais, la renouée rejoint l’assiette : ses jeunes tiges, creuses, se mangent comme les asperges.
Comment y aller
Ouverture: Ouvert tous les jours, de Pâques à la Toussaint, de 15h à 20h
Entrée : 5 €, gratuit pour les moins de 18 ans et les plus de 90 ans.
Visite guidée : Gratuite, chaque jour à 15h (conseillé) et le matin sur réservation et à partir de 10 personnes.
Les Jardins du Marais : Hoscas, 44410 Herbignac. Tél.: 02 40 91 47 44.
Pour venir: depuis Nantes (70 km), prendre la N165, puis la D965 (sortie 14) jusqu’à La Chapelle des Marais. Continuer sur la D33, suivre Hoscas.
Se loger : Hôtel Les Chaumières du Lac, rue du Vignonnet, 44410 Saint-Lyphard. Tél. : 02 40 91 32 32 (69 € à 120 €/nuit).