Conseils pour préparer ses tisanes en hiver
Très réconfortantes en hiver, les tisanes sont également des outils thérapeutiques très efficaces et constituent la forme médicale idéale en automédication. Conseils pratiques et témoignages de spécialistes comme le botaniste Jean-Marie Pelt ou le médecin Henry Puget.
[Mis à jour le 09/07/2018]
En période hivernale, la tisane lutte contre le refroidissement de l’organisme et hydrate le corps asséché par le chauffage. On se tournera vers les tisanes qui agissent contre les rhumes et les états grippaux, en préventif comme en curatif. Elles sont nombreuses : tisane de thym, de romarin, d'eucalyptus, tisane de menthe poivrée, de sureau, de reine-des-prés ou encore tisane d'hysope, de lierre terrestre, d'origan ou de mauve… sans compter les nombreuses épices qui réchauffent et stimulent comme la cannelle et le gingembre.
Dans une tisane, le mélange d’environ cinq plantes différentes est intéressant du point de vue thérapeutique : leurs propriétés se complètent et on potentialise les effets qu’elles ont en commun ; en même temps on diminue l’accoutumance à l’une d’elles et les effets indésirables éventuels puisque chacune est utilisée à moindre dose. Par exemple, on peut mélanger feuilles de ronce, fleurs de mauve, erysimum (plante entière), feuilles et fleurs de guimauve et aigremoine entière, et ainsi créer une véritable synergie qui soulage les enrouements, les maux de gorges et les laryngites.
Soumises à l’eau et à la chaleur de l’infusion, ces plantes libèrent non seulement des molécules hydrosolubles, mais aussi une large palette de principes actifs, notamment des huiles essentielles quand il s’agit de plantes aromatiques. Les tisanes, malgré leur image de breuvage très ordinaire, demeurent des outils thérapeutiques pertinents ! C’est la forme idéale pour l’automédication. Et grâce à leur important apport hydrique, elles s’imposent littéralement dès lors qu’on vise à drainer l’organisme : les feuilles d’artichaut, de bardane, de menthe, d’olivier et de pissenlit peuvent composer une bonne synergie dépurative après les excès de tables des fêtes de fin d’années.
Sèches et parfumées
Si l’on ne consomme pas les plantes cueillies fraîches, il est important de les faire sécher pour empêcher leur fermentation et l’oxydation des principes actifs. Pour cela, il faut les disposer en couche mince sur une claie, une toile ou un plateau, à l’ombre, sous un abri aéré, et les retourner régulièrement surtout s’il s’agit de fleurs. Le local choisi peut être une remise, un grenier, une mezzanine ou un balcon ; dans ce dernier cas, on rentrera les plantes à la nuit tombée pour leur éviter la rosée du matin. On peut aussi composer de petits bouquets à suspendre par les tiges, tête en bas. Idéalement, la température du local doit être supérieure à 20 °C.
La durée de séchage est généralement comprise entre deux et quatre semaines : les plantes séchées doivent être friables au contact. Si le climat est pluvieux, on peut utiliser un four à chaleur tournante, à température très douce (inférieure à 60 °C), pendant environ une heure. Les plantes sèches sont placées dans des sacs en papier ou en kraft, et l’on évite les bocaux pouvant provoquer une condensation et l’apparition de moisissures.
Et si vous manquez d'inspiration, voici cinq bonnes idées :
Jean-Marie Pelt, botaniste-écologiste
« Je suis très attaché à la tisane de verveine, qui vous remet l’estomac en place quand il est dérangé ! Ce sédatif très efficace agit pour moi comme un médicament. J’aime aussi beaucoup le tilleul car c’est un réchauffant. Je mets suffisamment de plante – une bonne poignée – pour qu’elle soit bien concentrée, et je la prends avec du miel dont la saveur se marie très bien avec cette plante. Enfin, j’apprécie le karkadé (fleurs d’hibiscus ou bissap, ndlr) qui donne une tisane rouge très savoureuse et riche en vitamine C. J’aime la consommer de manière courante. Nous nous fournissons chez notre pharmacien et grand ami Jacques Fleurentin qui connaît admirablement les plantes. Le soir, et quand nous recevons des amis, cela fait partie du rituel : nous avons des nourritures spirituelles et matérielles ! C’est surtout le plaisir du dimanche soir, pris dans des tasses ordinaires : nous pratiquons la sobriété heureuse, comme dirait mon ami Pierre Rabhi… »
Stéphane Marie, jardinier et animateur de l’émission Silence, ça pousse ! sur France 5
« Depuis une dizaine d’années, ma tisane fétiche est l’infusion de thym. Je suis devenu un peu faible au niveau des bronches après avoir attrapé la grippe A… À cette époque il me fallait du thym tous les soirs à 17 heures ! J’en demandais systématiquement quand on me proposait de boire quelque chose. C’est un énergisant, un stimulant, un désinfectant. J’ai plein de thym dans mon jardin, que je coupe régulièrement en saison et que je stocke pour l’hiver : j’en ai planté tout autour du potager ! Avec Noëlle Bréham, nous aimons bien l’infusion de gingembre pour se réchauffer en hiver lorsque nous tournons en extérieur : un peu de racine râpée, de l’eau bouillante et quelques gouttes de jus de citron suffisent. »
Annie-Sauvage, ethnobotaniste
« Ma tisane préférée est ce que j’appelle le thé suisse : c’est un mélange de plantes aromatiques douces qui plaît aussi bien aux grands qu’aux enfants. Elle est digestive, pectorale et apaisante. Je mélange de la menthe poivrée, de l’hysope, du thym citron, de la verveine citronnelle, de la grande camomille et de l’ortie. Cette tisane ne procure pas que du plaisir ! C’est un thé d’anticipation, avec l’ortie qui stimule les défenses immunitaires. Je la sers à mes amis et à mes petits-enfants pour qui “thé suisse” fait partie de leurs premiers mots… Au fur et à mesure qu’ils grandissent je mets moins de miel afin qu’ils sentent mieux le goût des plantes. Pour moi, sa saveur me rapproche de la nature… »
Léna Henkes, jardinière et créatrice de tisanes
« J’ai plusieurs tisanes préférées que je compose avec les plantes de mon jardin. Je mélange la mélisse, la sauge, l’origan et le basilic : j’aime cette tisane calmante, au goût rond et assez original grâce au basilic. J’associe aussi la menthe poivrée, la sauge, la camomille allemande et le bleuet : quand je suis un peu malade, cela me remet d’aplomb. Et quand je suis vraiment souffrante, je prends tout simplement du thym. Pour le soir, j’ai une tisane très douce, dans laquelle le goût aromatique de l’agastache complète le mélange bienfaisant associant mélisse, verveine, camomille allemande et bleuet. »
Dr Henry Puget, médecin généraliste
« J’aime beaucoup le tilleul car j’en ramassais avec ma grand-mère… mais aussi parce que cette tisane est multifonctions : elle est antistress car elle contient un facteur neurosédatif, elle soulage les migraines avec ses acides aminés qui diminuent les sécrétions nasales, et grâce à son huile essentielle, le tilleul est à la fois antitussif et fébrifuge. En synergie avec la valériane et la camomille, on obtient un meilleur processus de détente grâce aux huiles essentielles et aux tanins. Pour lutter contre la fièvre, j’ajoute à ce mélange de l’anis et de l’eucalyptus.
Je me suis intéressé aux tisanes et j’ai publié de nombreux livres sur le sujet pour plusieurs raisons : je les considère comme des alternatives aux boissons énergétiques et autres sodas, néfastes pour la santé, dont les gens abusent de nos jours. Les tisanes peuvent être bues chaudes ou froides, et elles reviennent moins cher que d’autres formes galéniques. »