Tendre est la guimauve
Le monde des plantes médicinales est rempli d’amères, d’astringentes, d’âcres et d’aromatiques. Les goûts et les parfums prononcés dominent et les palais sensibles font souvent la grimace. Heureusement, nous avons la douce guimauve qui vient équilibrer cet univers tranchant. Christophe Bernard, naturopathe herbaliste à retrouver sur son blog www.altheaprovence.com
Un gel pour se régénérer
La guimauve est très riche en mucilages. Ces substances, principalement localisées dans les racines, s’associent volontiers à l’eau afin de former un gel. Ce gel va nous servir de base pour de multiples préparations adoucissantes. Il est excellent pour recouvrir les muqueuses enflammées du système respiratoire et digestif afin de les protéger et de leur donner le temps de se régénérer. C’est en quelque sorte un pansement naturel. Il est tout d’abord utile pour les toux sèches et nerveuses, en particulier chez l’enfant qui tousse sans pouvoir s’arrêter et finit par s’abîmer la gorge. Préparez un verre de gel comme expliqué dans la partie atelier, puis rajoutez 30 gouttes de teinture de réglisse qui agira comme anti-inflammatoire. Le verre sera bu par petites gorgées pendant la journée dès que la gorge commence à picoter.
De même pour les inflammations de l’œsophage ou de l’estomac. Préparez un verre de gel, puis placez 50 gouttes de teinture de souci qui aidera les zones ulcérées à se régénérer. Buvez le gel par petites gorgées dans la journée dès que les brûlures se font ressentir. Mais les propriétés du gel ne s’arrêtent pas là. La guimauve adoucit les muqueuses enflammées des poumons ou du système urinaire. Comment fait-elle dans la mesure où le fameux gel ne passe pas en circulation sanguine ? Nous pensons aujourd’hui que l’effet adoucissant est transmis par communication nerveuse ainsi que par un effet de proximité. Elle adoucit le tube digestif et au passage ce qui se trouve autour, telle une personne calme qui parvient à apaiser son entourage surexcité.
Au jardin
Il n’est pas si simple que ça de la trouver en jardinerie. Commandez-la le cas échéant si elle n’est pas disponible. La graine se sème au printemps et germe relativement bien mais il faut la scarifier un peu afin d’augmenter le taux de germination. Scarifier signifie que l’on va enlever des morceaux de la pellicule externe de la graine lorsque celle-ci est trop dure pour laisser bien passer l’eau. Placez vos graines entre deux feuilles de papier de verre à grain fin et frottez doucement avec des mouvements circulaires. Je vous conseille de faire cette opération sur la moitié des graines seulement et de semer l’autre moitié non scarifiée, au cas où.
Beaucoup d’eau
Une fois scarifiées, semez les graines dans un bon terreau de plantation. Recouvrez-les à peine de terre...
puis tassez bien. Gardez humide jusqu’à germination. Travaillez les plantules en godet puis placez- les en pleine terre. La guimauve demande un emplacement en plein soleil et une bonne quantité d’eau. Elle résiste bien au chaud, mais restera petite si vous ne l’arrosez pas beaucoup. Espacez vos plants d’une bonne cinquantaine de centimètres car les parties aériennes peuvent atteindre de grandes proportions. N’oubliez pas aussi que lorsque ce sont les racines qui nous intéressent, nous avons tout intérêt à travailler la terre a n qu’elle soit souple et malléable, permettant aux racines de se développer et s’étendre à souhait. De plus, la récolte sera d’autant plus facile. Les fleurs sont abondantes pendant l’été mais très discrètes, d’un blanc légèrement rosé. L’entretien est simple : juste avant l’hiver, rabattez les parties aériennes, votre guimauve repartira de plus belle au printemps suivant. La plante ne développe aucune maladie dans mon jardin, mais attention aux petites plantules qui feront le régal des gastéropodes.
À l’atelier
Le gel de guimauve
L’eau est une bonne amie pour cette plante. Toutefois, on n’utilisera pas l’infusion avec de l’eau très chaude, qui extraira l’amidon, sans aucun intérêt thérapeutique. On privilégiera tout simplement l’infusion à l’eau froide, car les mucilages y sont solubles.
1. Séchez vos racines et pulvérisez-les. Si vous ne pouvez pas les pulvériser, coupez-les en petits copeaux. Vous trouverez aussi ces deux formes en herboristerie.
2. Dans une tasse à thé : si la racine est en copeaux, remplissez de copeaux un quart de la tasse et trois quarts d’eau froide. Laissez reposer toute une nuit. Si la racine est en poudre, utilisez 6 g de poudre pour 200 ml d’eau froide. Versez l’eau sur la racine et laissez reposer 1 heure en remuant régulièrement pendant les 10 premières minutes.
3. Pour la préparation à base de copeaux, filtrez-la à l’aide d’une passoire. Le gel de couleur légèrement brunâtre est prêt à être consommé. Si vous utilisez la poudre, récupérez le gel au-dessus de la poudre en le versant dans un autre récipient et en laissant la poudre au fond de la tasse. S’il reste un peu de poudre, vous pouvez la boire sans problème.
4. Rajoutez, si vous le désirez, entre 30 et 60 gouttes de teinture par petit verre de gel a n d’obtenir la propriété thérapeutique désirée. Nous avons déjà parlé de la réglisse et du souci. Vous pouvez aussi utiliser la teinture de sauge (25 gouttes) ou de propolis (10 gouttes) pour un mal de gorge, ou la teinture de matricaire (40 gouttes) pour des brûlures digestives.
Mode d’emploi Buvez par petites gorgées a n de bien recouvrir les muqueuses enflammées, le plus souvent possible dans la journée.
Conservation : non aux moisissures !
Toutes les parties de la plante contiennent des mucilages. La racine en contient le plus, mais ne négligez pas la feuille et la fleur dans vos infusions. De plus, la fleur est un bonheur pour le regard si vous avez une théière transparente. Pas besoin de sacrifier la plante pour récolter une partie des racines. Creusez sur un côté, interceptez les racines les plus grosses et cassez-les. Rebouchez le trou, et votre plante aura subi un minimum de dégât. Le séchage des mucilagineuses est très délicat. En effet, elles se gorgent d’humidité à la moindre occasion. Coupez les racines en tronçons, puis en deux ou quatre dans le sens de la longueur pour les plus grosses. Placez-les dans un endroit chaud et sec. Pour ma part, j’utilise un petit déshydrateur électrique à fruit (un appareil bon marché). Ensuite, je les place tout de suite dans un bocal hermétique. Mais attention, si elles ne sont pas 100 % sèches et que vous fermez hermétiquement, elles finiront par moisir...
Almanach de novembre
En novembre, la récolte des racines se poursuit, en particulier dans les régions où le mois d’octobre peut être relativement doux, comme chez moi, en Provence. Il faut toujours attendre que les parties aériennes de la plante soient fanées ou mortes, ce qui surviendra dès le retour d’un climat plus froid. Attention de ne pas trop attendre non plus, a n de ne pas se laisser surprendre par les premières nuits froides et un sol un peu trop dur le lendemain matin.
Novembre est le mois où je mets du propre dans mes stocks de plantes. La nouvelle récolte est bien sèche et stockée dans de grands sacs en papier. J’inspecte la récolte de l’an dernier avant de faire le point. En principe, il faudrait chaque année composter les stocks de l’année précédente. Mais je suis plus pragmatique. Je plonge ma tête dans les sacs, je renifle, je mâchouille. Si la plante a toujours bon goût et bonne odeur, pas question de s’en débarrasser. Faites de même !
Faites aussi un tri régulier dans vos teintures. Elles se conservent pendant des années, mais se dégradent parfois avec le temps. Inspectez en particulier le fond de la bouteille et voyez s’il y a apparition de dépôts. Ceci arrive souvent avec les plantes riches en tannins, en particulier si vous n’avez pas rajouté un peu de glycérine végétale afin de stabiliser les tannins (à raison de 5 à 10 % de la solution). Renouvelez les teintures qui se sont précipitées, ainsi que celles qui ont perdu leur couleur originale. N’hésitez pas à goûter. C’est le meilleur test pour évaluer l’état des produits à base de plantes.