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Pesticides naturels Guerre de l’ortie, acte II

Arbres - nature

Des réponses naturelles existent aujourd’hui pour remplacer ou diminuer l’usage des pesticides chimiques. Mais les pouvoirs publics continuent de mettre des bâtons dans les roues de leur développement, tandis que les géants de l’agrobusiness ont entrepris de se les accaparer. La guerre de l’ortie est loin d’être finie…

Le 30 avril dernier, le ministère de l’Agriculture publiait enfin le décret autorisant l’utilisation et la vente d’un certain nombre de Préparations naturelles peu préoccupantes (PNPP), comme certains purins de plantes telles que l’ortie ou d’autres  substances naturelles biostimulantes ou protectrices contre les maladies ou les ravageurs des cultures. Ces PNPP font partie de la famille plus large des produits de biocontrôle, qui compte aussi les animaux auxiliaires (insectes, acariens…), les médiateurs chimiques comme les phéromones ou d’autres substances naturelles végétales, animales ou minérales.

Attendu de longue date et obtenu de longue lutte, le décret sur les PNPP est venu donner un contenu concret à la loi d’avenir agricole de juillet 2014. Après dix ans de revendications associatives et de pourparlers, celle-ci reconnaissait en effet en théorie la nécessité d’un régime simplifié pour l’utilisation et la commercialisation des PNPP,  les différenciant ainsi des pesticides chimiques. Le 30 avril dernier, un pas supplémentaire a donc été franchi pour sortir de la situation paradoxale qui faisait que l’État français, en  même temps qu’il clamait haut et fort son ambition de réduction drastique des produits phytosanitaires chimiques à l’horizon 2022 (plan Ecophyto II), rendait l’homologation de  ces préparations simples à base de plantes non seulement coûteuse (environ 40 000 euros), mais aussi très longue (plusieurs années avant une approbation).

Pour autant, il n’est pas certain que la fameuse « guerre de l’ortie » soit totalement finie et que les grands groupes agrochimiques aient baissé les armes. En effet, plusieurs questions demeurent à ce jour en suspens et pourraient devenir... plus qu’urticantes. D’une part, la liste  des substances biostimulantes autorisées est à ce jour incomplète : sur la liste d’une centaine d’espèces dites libérées – l’ortie, la lavande, la  sauge, la moutarde, l’ail – manquent encore de nombreuses plantes telles que la prêle ou la consoude, toutes deux très utilisées par les paysans ou les jardiniers amateurs, ou bien d’autres  substances comme le petit-lait, le vinaigre blanc, les cendres ou l’argile. Les plantes dites libérées sont en effet celles non soumises au monopole de la pharmacopée. Pour les autres PNPP, leur homologation dépendra désormais de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail). Des associations comme l’Aspro PNPP (Association pour la promotion des préparations naturelles peu préoccupantes), la Confédération paysanne, le Syndicat des simples ou Nature et Progrès ont d’ores et déjà demandé à l’agence des actions rapides pour élargir cette liste, car potentiellement quelque 800 plantes pourraient s’avérer intéressantes à l’usage. « Nous ne sommes hélas pas optimistes », déplore Jean-François Lyphout, président de l’Aspro-PNPP, ancien horticulteur et producteur d’extraits végétaux depuis 2006 via son entreprise Fortich. « Tout semble avoir été organisé pour retarder au maximum la libre utilisation des plantes et privilégier les brevets associés aux nouveaux produits de biocontrôle et, par la même occasion, les profits des grands groupes. Par ailleurs, l’Anses n’a pas de moyens pour cette nouvelle mission et ne s’est engagé auprès de nous sur aucun calendrier. »

En faisant traîner au maximum la légalisation des PNPP, l’État a dans les faits permis à l’industrie de prendre une longueur d’avance et d’investir massivement sur le marché de « l’après-pesticide ». À y regarder de plus près, on se rend compte que l’État a même accompagné ce mouvement : le 1er mars 2016 a ainsi été lancé un consortium privé-public de « Recherche, développement et innovation sur le biocontrôle », associant l’Inra à tous les industriels du secteur. Ces nouvelles réponses hautement techniques du biocontrôle vont dans la direction opposée des PNPP, des produits simples et à faible valeur commerciale par définition. D’ailleurs, le nouveau décret les enferme un peu plus dans cette définition : une PNPP doit être obtenue « par un procédé accessible A tout utilisateur final, c’est-à-dire non traitée ou traitée uniquement par des moyens manuels, mécaniques ou gravitationnels ». Autrement dit, un produit qu’on pourrait faire soi-même.

Un marché convoité

Comme dans l’univers des plantes médicinales, derrière les questions règlementaires des PNPP se jouent en fait l’enjeu de profits faramineux (le marché du biocontrôle connaît une croissance de plus de 10 % par an). D’ores et déjà, des PME innovantes sont rachetées par des groupes agrochimiques. C’est le cas de l’entreprise bretonne Goemar qui, après avoir développé avec l’aide du CNRS des physio-activateurs à base de substrat d’algues, est passée en 2014 sous le contrôle d’un leader mondial de l’agrochimie (Arysta LifeScience). Se côtoient désormais au sein de l’Association française des entreprises de produits de biocontrôle (IBMA) des producteurs de coccinelles et des mastodontes comme Bayer, BASF, Dow Chemicals, Syngenta ou Total. C’est bien connu, le mastodonte est rarement partageur. Moins de dix jours après la publication du nouveau décret, certains enclenchaient déjà les manœuvres d’intimidation : la société Scotts France (propriétaire de Fertiligène, KB et Substral, 150 millions de chiffre d’affaires en 2014) enjoignait ainsi l’entreprise DCM spécialisée en engrais bio d’enlever de son purin d’ortie les allégations « contre les maladies » et « contre les insectes » au motif que le nouveau règlement interdit à ce produit un positionnement phytopharmaceutique. Il est clair que les grands groupes ont tout intérêt à empêcher la communication sur les vertus des PNPP pour dominer le marché des alternatives aux pesticides avec des produits brevetés à haute rentabilité. « On a un savoir-faire avéré, simple et non toxique, mais on ne peut rien revendiquer comme allégation, sinon on risque deux ans de prison et 75 000 euros d’amende », déplore Jean-François Lyphout. « Je me mets hors-la-loi volontairement sur mon site, car cette situation doit changer », expliquet- il. « Ce sont des heures de trituration de l’esprit pour jouer avec la sémantique et pouvoir dire sans dire », confirme Brice Johner, du site de vente en ligne Monjardinbio.com qui propose des purins de plantes et extraits végétaux artisanaux fabriqués en France, ainsi que des conseils pour les jardiniers amateurs. Il se fournit notamment auprès du premier réseau français de producteurs indépendants : Au bon purin.

Du bon sens et des reponses simples

« Dans nos purins, il y a de la vie », renchérit Brice Johner. Selon lui, les nouveaux purins hantant désormais les étagères des grandes enseignes de jardineries sont trop standardisés, désodorisés. Une offre diversifiée de produits est sans aucun doute nécessaire, car tout le monde ne peut pas se permettre de préparer ses propres PNPP. Mais pourquoi acheter en jardinerie un remède cher contre les cochenilles à base d’huile de colza associée à un extrait breveté lorsqu’on sait que, sous sa forme la plus simple, l’huile de colza est déjà redoutablement efficace ? Associés à des gestes de bon sens – contrôler les« mauvaises herbes » plutôt que les éradiquer, recycler ses déchets en compost, connaître les bonnes associations de plantes –, les PNPP sont des réponses simples et à très bas coût pour répondre à la majorité des maladies végétales ou aux problèmes de ravageurs.

Purins ou décoctions de plantes, thé de compost, huiles essentielles offrent ainsi aujourd’hui un arsenal varié de réponses douces aux particuliers ou aux producteurs désireux de sortir de la guerre chimique avec nos sols. Et ce n’est pas un hasard si l’engouement collectif pour les PNPP a augmenté de manière fulgurante ces dernières années, attirant désormais jardiniers amateurs comme agronomes confirmés. C’est un des signes parmi d’autres qui montrent que nous nous dirigeons bel et bien, même si c’est lentement, vers l’ère de l’après-pesticides. Sans doute la « guerre de l’ortie » a ouvert la voie et les yeux sur d’autres produits de traitements. Quant à sa philosophie, une démarche mutualiste et collaborative en harmonie avec le végétal, rien ne nous garantit qu’elle va s’imposer dans les années à venir.

Simples, mais pas simplistes

La simplicité apparente des PNPP ne doit pas cacher un long et patient travail d’expérimentation des usagers de la première heure ainsi que de certains organismes comme l’Institut technique de l’agriculture biologique (ITAB) pour évaluer les plantes adaptées, les bons dosages ou les bonnes combinaisons. En l’état actuel des recherches, quatre plantes polyvalentes semblent sortir du lot, que Jean-François Lyphout nomme joliment « les quatre mousquetaires ». Un bon mélange de base consiste à associer ces quatre plantes à proportion équivalente. À utiliser chaque semaine en arrosage dilué (5 % de purin, 95 % d’eau).

Ortie
Stimulant emblématique et polyvalent, l’ortie fortifie les plantes et soutient leur enracinement, leur croissance et l’immunité.

Consoude
Son purin aide à la croissance des fruits et des fleurs et entretient la vie microbienne du sol, tandis que son jus combat l’oïdium, le botrytis ou la rouille et aide à la cicatrisation et au bouturage.

Prêle
Chargé en oligo-éléments, son purin renforce la plante dans son ensemble et sa décoction lutte contre les maladies cryptogamiques.

Fougère
Son purin est principalement répulsif (cochenilles, pucerons, araignées rouges, lanigères) et stimule le développement racinaire.

Recette antifongique

Contre les maladies cryptogamiques (rouille, tavelure, oïdium, mildiou, marsonia), Aurèle Canevet, responsable des cultures Weleda France, utilise cette recette de tisane protectrice.

Préparation 
1. Faire bouillir 200 g de prêle sèche dans 10 litres d’eau pendant 30 minutes.
2. Quand la température de l’eau est descendue à 70 °, ajouter 1 kg d’ortie fraiche et 200 g d’écorce de saule, puis laisser infuser jusqu’à refroidissement.
3. Filtrer et utiliser en pulvérisation sur les plantes malades à hauteur de 20 % de tisane pour 80 % d’eau.

L’agro-homéopathie au Maroc

Isabelle Rossi, présidente de l’Association pour la promotion de la médecine homéopathique, contribue à transmettre l’agro-homéopathie aux cultivateurs de la région de Skoura, au Maroc, depuis 2010. « Dans cette immense palmeraie de 50 km2 du Sud marocain, personne n’a les moyens d’utiliser des pesticides ou des engrais chimiques, et nous avons calculé que l’on peut traiter 1 hectare de terre pour moins de 10 euros, avec des résultats probants qui peuvent aller jusqu’à 5-6 ans. Il suffit de diluer cinq granules d’un remède homéopathique adapté dans cinq litres d’eau, de la dynamiser puis d’arroser le pied de l’arbre », explique-t-elle. « Pour la cloque du pêcher ou le miellat des amandiers par exemple, nous avons obtenu de très bons résultats. » La difficulté consiste ici à trouver le remède homéopathique adapté à la situation, qui implique de prendre en compte la nature de la maladie, mais aussi des facteurs comme le terrain ou le climat.

Recette aux huiles essentielles

Jean-Yves Meignen, jardinier de l’abbaye de Valsaintes (04), utilise cette formule d’huiles essentielles contre les maladies courantes.

Préparation
1. Mélanger les huiles essentielles à hauteur de 0,2 ml (6 gouttes) chacune : sarriette, tea-tree, serpolet, clou de girofle, orange douce.
2. Diluer les huiles essentielles dans 10 ml d’huile de colza puis 3 ml de savon noir (ou de savon végétal liquide).
3. Diluer cette base dans un litre d’eau (idéalement pH 6,5 à 7), agiter et utiliser en pulvérisation le matin jusqu’à deux fois par mois. Se conserve dans un récipient bien fermé et opaque. Cette recette existe toute prête, ainsi qu’un mélange contre les insectes.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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