Tribunal Monsanto, une action pas seulement symbolique
A La Haye, les 15 et 16 octobre derniers, des témoignages du monde entier devant un tribunal citoyen ont fait état des dégâts provoqués par les produits du géant de l’agrobusiness. « C’est un honneur pour moi d’ouvrir la liste des victimes de Monsanto », a déclaré Sabine Grataloup, mère d’un petit Théo, 9 ans, qui souffre de plusieurs malformations. Il vient de subir sa cinquante et unième opération.
La jeune femme, propriétaire d’un club d’équitation, répandait chaque été dans la carrière un désherbant à base de glyphosate commercialisé par Monsanto. Elle ne savait pas encore, à l’époque, qu’elle était enceinte de trois ou quatre semaines. « C’est à ce momentlà que l’oesophage et la trachée se forment chez le foetus, comme je l’ai appris par la suite. Les études scientifiques menées dans le monde montrent que ce qui est arrivé à Théo n’est pas un cas isolé ! »
À ses côtés, María Liz Robledo se lève et raconte. « Je suis originaire d’un village de deux mille habitants dans la province de Buenos Aires. Ma maison se situe à proximité d’un terrain vague où sont entreposés des bidons de pesticides depuis des années. Ma fille Martina est née en avril 2013 avec une malformation de l’oesophage ! Je ne veux pas qu’il y ait d’autre Martina, c’est pourquoi je suis là ! »
Une trentaine de témoins, des mères, des paysans, mais aussi des scientifiques et des médecins, sont venus des quatre coins du monde (Mexique, Argentine, Burkina, Canada…) avec le souhait de mettre la firme face à ses responsabilités. Cinq juges de renommée internationale ont recueilli leur témoignage accablant : la Sénégalaise Dior Fall Sow, consultante pour la Cour pénale internationale et ancienne avocate générale du Tribunal international pour le Rwanda ; Eleonara Lamm, directrice des droits de l’homme à la Cour suprême de justice de Mendoza (Argentine) ; le Mexicain Jorge Abraham Fernandez, orateur au tribunal Russell sur la répression en Amérique latine ; enfin, la présidence est assurée par la juge belge Françoise Tulkens, ancienne vice-présidente à la Cour européenne des droits de l’homme.
L’avis consultatif rendu par ces cinq professionnels doit permettre aux tribunaux internationaux de s’emparer de cette question et de demander réparation pour les dommages. En pointant du doigt les effets toxiques des désherbants et pesticides commercialisés par la firme, le tribunal espère ainsi que les crimes contre la nature (notamment l’« écocide ») et leurs conséquences en matière de santé publique intégreront à part entière le droit international.
Mieux protéger la nature
Valérie Cabanes, juriste en droit international, spécialisée dans les droits de l’homme, signe un livre manifeste sur la notion d’écocide. Y sont d’abord répertoriés, à travers différentes époques et un peu partout sur la planète, les différentes atteintes à l’environnement qui mettent en péril la vie des hommes. Pour l’auteur, il est urgent de revendiquer de nouvelles formes de responsabilités permettant de réagir. Elle en appelle à une métamorphose du droit international autour d’une nouvelle valeur pivot, l’écosystème Terre, ainsi qu’à la reconnaissance d’un cinquième crime international, le « crime d’écocide ».
« Un nouveau droit pour la Terre. Pour en finir avec l’écocide » de Valérie Cabanes, Éd. du Seuil.