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Belladone et aconit : de la magie à l’homéopathie

belladone et aconit

Plantes aussi toxiques que sulfureuses, la belladone et l’aconit sont entourés de bien des légendes… Délaissés par la phytothérapie, ces deux végétaux trouvent leur emploi en homéopathie pour soulager fièvres, inflammations et anxiété.

La teinte pourpre sombre des fleurs en cloche de cette « belle-dame » affectionnant les clairières de bois humides n’est pas des plus engageantes… Pas plus que l’odeur fétide de ses feuilles, qui « puent la mort ». Herbe du diable, morelle furieuse, cerise empoisonnée : les autres appellations vernaculaires de la belladone suffisent à dresser le portrait d’une plante fatale. Son nom botanique, Atropa belladonna, vient ainsi d’Atropos l’Implacable, l’une des trois divinités du Destin de la mythologie grecque, dont le rôle était de couper le fil de la vie. Quelques-unes de ses baies noires et sucrées, riches en alcaloïdes narcotiques et spasmodiques – atropine, hyoscyamine –, provoquent la mort par paralysie des voies respiratoires, accompagnée d’angoisse et de délires. Une action vénéneuse que la belladone partage avec l’aconit napel (Aconitum napellus) des prairies montagneuses, aux grappes séductrices de fleurs bleues. Une cuillère à café de sa racine réduite en poudre suffit à paralyser le muscle cardiaque et conduit à la mort. L’intoxication se manifeste par un effet anesthésique « glaçant le sang ».

Plantes mortelles, la belladone et l’aconit furent abondamment utilisés comme poison durant l’Antiquité. L’aconit en particulier, dont l’Odyssée d’Homère raconte qu’il naquit de l’écume de Cerbère, le chien tricéphale des Enfers auquel Hercule dut faire appel lors de son douzième et dernier travail. Plus tard, les Gaulois l’utilisèrent pour enduire leurs flèches. Quant à la belladone, elle fut l’objet d’expérimentations par Cléopâtre, qui constata l’action rapide et douloureuse du poison sur des esclaves…

Magie noire…

Mais c’est pour la magie noire que l’aconit et surtout la belladone étaient réputés. « Les grandes vénéneuses ont toujours été en lien avec la magie noire », observe d’ailleurs l’ethnobotaniste Laurence Chabert, de l’association EPI . Selon la tradition, au Moyen Âge, ces plantes entraient dans la composition du mystérieux onguent utilisé par les sorcières pour se rendre au sabbat... en volant ! Aux côtés d’autres végétaux « magiques » comme la jusquiame noire, la mandragore ou le datura stramoine – plantes puissamment hallucinatoires, majoritairement de la famille des Solanacées, comme la belladone –, elles étaient mises à macérer dans de la graisse.

Le mode d’administration de ce baume satanique serait des plus sulfureux : certains auteurs avancent que le manche à balai chevauché par les sorcières en était préalablement enduit, et que les principes actifs des plantes passaient dans la circulation sanguine par contact avec leur vulve… Atteignant ensuite leur cerveau sans transiter par la sphère gastro-intestinale, donc sans risque d’intoxication fatale. Et voici nos sorcières qui « décollent » pour un voyage… en état de conscience modifié.

L’utilisation de ces plantes, destinées à faire entrer en contact avec des forces spirituelles, se retrouve également au temps des Celtes. Les druides s’allongeaient ainsi, nus, sur des peaux de bouc ou de vaches enduites des mêmes plantes, dans l’espoir de révélations divines.

… et magie blanche

Aujourd’hui, les substances actives de ces plantes sont utilisées en médecine allopathique de manière très ciblée. L’aconitine, principal alcaloïde de l’aconit, permet de soulager les douleurs de névralgies faciales. L’atropine, extraite de la belladone, soigne les maladies des yeux, tout en servant à dilater la pupille afin de faciliter les examens ophtalmologiques. À signaler que les feuilles de belladone furent un temps prisées pour confectionner des cigarettes expectorantes promptes à soulager l’asthme. Le Dr Armand Trousseau lui-même qualifiait leur action de « quasi miraculeuse ».

Bannis d’une utilisation en phytothérapie contemporaine en raison de leur extrême toxicité, belladone et aconit trouvent tout leur potentiel d’action thérapeutique en médecine homéopathique. Toutefois, de par leur action toxicologique, provoquant des troubles neurologiques et cardiaques, elles sont réservées aux situations extrêmes. Aconit comme belladone sont ainsi les remèdes favoris des fièvres élevées (40 °C) et subites. Aconitum, utilisé en premier pour faire chuter la température (une dose ou 5 à 6 granules d’Aconitum napellus 9 CH), est ensuite remplacé par Belladonna (2 granules 9CH trois fois par jour) dès que le sujet transpire. Les deux remèdes sont aussi utilisés dans les inflammations aiguës de la sphère ORL, laryngite, angine, rhinopharyngite, Aconitum de préférence dans les otites.

Un remède au délire

Traitement de choc pour le psychisme également, Belladonna est indiqué dans les cas d’anxiété puissante avec désir de fuite, délires et états de furie. Plus basiquement, elle est utilisée comme remède aux insomnies à l’endormissement – notamment quand elles sont associées à des images effrayantes –, mais encore aux pensées négatives survenant en fermant les yeux et aux réveils nocturnes liés à des cauchemars (prendre 5 granules en 7 CH au coucher).

En cas de terreur nocturne, l’on peut y associer deux autres solanacées, Hyoscymaus et Stramonium. Aconitum est également conseillé en cas d’insomnie provoquée par une crise de panique au moment de l’endormissement (5 granules en 7 CH au coucher) et, de manière générale, pour calmer les crises d’angoisse liées à la peur de la mort ou aux paniques avec agitation.

Mab

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