Gëorgia Knap, un inventeur… de longévité
Cet inventeur à la curiosité sans borne fut un touche-à-tout génial. Après s’être intéressé au moteur à essence et aux arts ménagers, il mobilisa la moitié de sa vie à mettre au point une méthode de rajeunissement. Mais l’intérêt de son approche basée sur l’alimentation ne fut pas vraiment compris à une époque ou, en matière de médecine, on se préoccupe surtout de chasser les microbes…
La postérité a oublié cet autodidacte de génie, mise à part sa technique d’automassage avec les fameux « points Knap ». Fils de boucher, Gëorgia – surnom de Georges – naît à Troyes en 1866. Précoce, il s’intéresse à tout. Âgé d’à peine 16 ans, il tombe passionnément amoureux d’Andréa Rosenthal mais leur romance tourne au drame quand le père de la jeune fille tire un coup de fusil sur Gëorgia. Sa jeune fiancée le croyant mort, elle se laisse dépérir de chagrin et il tente alors de mettre fin à ses jours. Sauvé de justesse, cet épisode le marquera à jamais et il passera sa vie à honorer les six promesses faites à sa fiancée. Six promesses, six inventions ou créations : la locomotive routière, la maison électrique, l’opéra « Thésée », le cottage social, le miracle de Faust (rester jeune) et le Petit Jardin (création de fleurs par croisement).
Orphelin à 17 ans, il devient apprenti mécanicien. L’expérience l’amène à dessiner le premier plan de sa locomotive routière et à publier un ouvrage sur les secrets des moteurs à essence, il vend même son brevet à une firme belge. Gëorgia n’a alors que 23 ans. S’ensuivent des années de créations de toutes sortes dont une automobile électrique, une motocyclette et sa fameuse maison électrique inaugurée en 1907. D’une incroyable modernité pour l’époque, elle est équipée d’un lave-vaisselle, d’un lave-linge, de volets électriques… Le Tout-Paris accourt dix ans durant pour célébrer les inventions du génie, mais lui a déjà un autre projet bien plus ambitieux en tête.
L’énigme de la cellule vivante
Gëorgia Knap étudie sans relâche les mystères du corps humain et du renouvellement des cellules et décide de devenir son propre cobaye. En 1913, il force son corps jusqu’à l’extrême en bêchant toute la journée son jardin et teste alors ses fameux points Knap. Grâce à cette technique d’automassage régénérant, il retrouve la forme en quelques minutes ! Pendant huit ans, il peaufine ses recherches et, à 50 ans, il se sent prêt pour lancer son défi. Il convoque donc la presse – nous sommes en 1916 – et annonce qu’il a déchiffré l’énigme de la cellule vivante et trouvé le moyen de lui rendre la jeunesse. Il est alors déjà marqué par le temps et les excès : sa démarche est lente, il pèse 80 kg pour 1,60 m, a 18 de tension et son estomac est dilaté. Aux incrédules, il donne rendez-vous dix ans plus tard pour constater son rajeunissement, ce qu’il fera tous les dix ans jusqu’à ses 80 ans.
Un grand biologiste
Dès le lendemain, il opte pour un nouveau régime alimentaire : pas de viande, pas de vin ni de boissons fermentées, pas de tabac (d’après lui le poison le plus violent pour l’humanité) et des crudités à chaque début de repas. Il s’astreint à l’exercice physique, dort sans oreiller, pour « le repos du cœur », pratique des étirements vertébraux et « la vidange des capillaires » matin et soir. Quatre ans plus tard, son pari est gagné. Il déclare : « Je pèse 67 kilos et mon estomac n’a plus que 5 centimètres de ptose, ma tension est tombée à 15, les énormes poches qui bouffissaient mes yeux sont presque résorbées. » À partir de 60 ans, un médecin qui l’ausculte estime qu’il a l’apparence, l’énergie et la vitalité d’un homme de 35-36 ans. À 67 ans, il s’inscrit à une course dans la catégorie des moins de 75 ans et gagne avec 30 mètres d’avance !
En 1936, pour la conférence de presse qu’il donne pour ses 70 ans, la salle est pleine à craquer pour connaître son secret de jouvence : il explique alors qu’il réside simplement dans le repos méthodique de l’appareil digestif. Il ne sera pas écouté ni compris par ses contemporains.
Depuis, ses idées ont été reprises, notamment par Pierre Marchesseau, un des chefs de file de la naturopathie française, qui le considérait comme un des meilleurs biologistes. En fait, Gëorgia Knap est le premier à souligner les méfaits de l’hyperacidité alimentaire et de l’excès de viande, les bienfaits du jeûne et d’une alimentation riche en fruits et légumes… Il prescrit d’arrêter le café (surtout le café au lait) et recommande du poisson deux fois par semaine. Il s’applique à consommer toujours des crudités et salades en entrée (carottes râpées, laitue, mâche, betterave, pommes de terre, persil, cerfeuil, pissenlit, noix…), le tout assaisonné d’huile et sans vinaigre. Il conseille aussi de mâcher chaque bouchée jusqu’à ce qu’elle forme une pâte liquide. Enfin il recommande d’éviter le mélange d’aliments farineux et de protéines (par exemple pain et œuf, fromage, viande ou poisson), de limiter les aliments trop acides et les laitages (sauf le fromage blanc), d’essayer les cures de pomme durant l’hiver et de raisin à l’automne. Il développe aussi de nombreuses techniques ou postures de santé qu’il conseille aux malades qui le sollicitent. Plusieurs lettres de remerciements saluant ses exploits témoignent de l’efficacité de son approche.
Malgré cela, Gëorgia Knap s’éteint à 80 ans en 1946, en pleine forme physique mais rongé par le chagrin et l’amertume de ne pas avoir été compris par ses contemporains.
Les points Knap
Cette technique de massage encore enseignée de nos jours permet souvent le soulagement rapide des douleurs. En étudiant les circuits de la douleur dans les contractures rhumatismales, Knap en conclut que ceux-ci se comportent comme un circuit électrique. Après des années d’observation, il repère dix-huit points du corps, essentiellement situés dans le dos, à travailler dans un ordre précis. « Le soulagement instantané et la guérison des douleurs rhumatismales sont possibles par la rupture des courts-circuits de contracture, situés aux points majeurs que j’ai découverts », explique-t-il. Il précise que si l’arrêt de la douleur est immédiat, il faut continuer à travailler les points « contaminés » pendant quelques jours de plus pour un résultat durable.