Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Dr Claudine Luu : « On est loin, très loin de tout connaître des plantes»

Dr Claudine Luu

Depuis plus de quarante ans, elle creuse tranquillement son sillon. Claudine Luu est une grande dame de la phytothérapie, une sommité heureuse de l’intérêt grandissant que le public porte à ses chères plantes. Elle poursuit aujourd’hui son compagnonnage en se consacrant à la transmission de son savoi

Plantes & Santé - Vous étiez présente au congrès des herboristes qui s’est tenu récemment. Vous qui vous battez pour les plantes depuis quarante ans, comment appréhendez-vous ce type de manifestation ?

Claudine Luu : Ce qui se passe avec ce congrès est intéressant, car enfin, on essaye de faire quelque chose ensemble. Nous avons pu ainsi créer il y a deux ans la fédération française des écoles d’herboristerie ; cela nous amène à réfléchir à notre enseignement et à nos programmes de façon à pouvoir proposer un diplôme commun. Mais pour que des avancées positives puissent avoir lieu, il faut continuer d’avancer de façon organisée.

P & S Vous avez créé une école de formation, un laboratoire... Que signifie être herboriste pour vous ?

C. L. Certes, je dirige une entreprise qui emploie plus de 50 salariés, mais en étant dans les plantes, je garde le même objectif : apporter un plus pour la santé et permettre aux gens de se soigner différemment, d’avoir une alternative au tout chimique. Pour autant, je ne rejette pas la médecine allopathique. Je dis simplement que les plantes sont souveraines pour de nombreux problèmes qui relèvent du « terrain » propre à chaque personne. Par ailleurs, je continue de vivre journellement en compagnie des plantes : des jardins entourent l’école de formation, le laboratoire, et dans le village où je vais en vacances – Villecomtal, dans l’Aveyron –, j’essaye d’insuffler une ambiance « plantes médicinales » : un jardin y a été créé en hommage à mon mari [le physicien Vinh Luu, précurseur des théories sur la mémoire de l’eau, ndlr].

P & S Comment considérez-vous le contexte dans lequel évolue la phytothérapie ?

C. L. Aujourd’hui, je trouve que le monde de la phytothérapie évolue dans le bon sens. Je m’y trouve bien, on peut vraiment faire des choses. Pensez un peu : quand j’ai commencé, je ne pouvais travailler qu’avec sept plantes! On est passé à plus d’une centaine à utiliser telle quelle (feuilles, graines...). Ce qui est vraiment nouveau, c’est que de nombreuses plantes, environ 600, ont été autorisées pour les compléments alimentaires. Comme je le dis à mes élèves, cela nous laisse de quoi apprendre et travailler ! Certes, nous sommes confrontés à des règlementations, nous pouvons être contrôlés par des inspecteurs à l’esprit plus ou moins ouvert, mais le secteur des plantes n’est pas plus difficile qu’un autre. Je suis d’autant plus à l’aise pour dire ça que mon laboratoire se consacrait à l’homéopathie avant qu’on nous oblige à demander une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour nos produits. Pour moi, cela a été un crève-cœur, car je n’avais pas les moyens d’établir ces dossiers. Puis je me suis rendu compte que...

je pouvais orienter autrement mon travail. Désormais, je fais de la phyto diluée et dynamisée. On fabrique quelque 2 000 extraits que nous achètent les pharmaciens ou ceux qui en ont besoin, comme je le constate avec notre magasin d’usine à Candillargues. 

P & S Au fil des ans, comment avez-vous constitué le savoir que vous détenez sur les plantes ? 

C. L. C’est le fruit de toute une vie et d’années d’expériences. Quand j’ai commencé, j’ai avalé les livres de Mességué et d’autres classiques plus anciens (Lémery, Fournier, Cazin...), mais le savoir livresque n’est pas suffisant. Avec mon mari, lorsque nous avons ouvert notre laboratoire, nous faisions nous-mêmes nos récoltes de plantes. Quand on les a goûtées, touchées, senties, les plantes deviennent en quelque sorte nos amies, on les appréhende autrement ; sans être thérapeute, on garde en tête ce qu’elles nous ont apporté, on développe une intuition. Et puis, il y a les échanges, car dès lors que l’on s’intéresse aux plantes, on est sollicité. Les élèves de l’école sont aussi des moteurs. En quarante ans, quelque 10 000 personnes ont été formées à l’Imderplam

P & S Aujourd’hui, les remèdes de phytothérapie sont quasiment absents dans la médecine officielle, celle qui est remboursée par la Sécurité sociale. Vous le regrettez ?

C. L. Pas vraiment. Certes, cette volonté politique de rembourser les soins est une bonne chose, mais ne pas être remboursé, c’est encore mieux. Tout ce qui est gratuit génère beaucoup moins d’implication. Or la santé nécessite une prise de conscience, demande une démarche active pour recueillir des renseignements, ce qui rend plus respectueux du traitement que l’on suit. On provoque ainsi une certaine mise en condition pour que le corps entende le message du remède. Et je ne parle pas ici de l’effet placebo, car même délivrée sous forme de médicament homéopathique, la plante fait effet. Enfin, sur le plan financier, les laboratoires doivent trouver des solutions pour que les produits à base de plantes restent accessibles à tous.

P & S - La phytothérapie en France, ce sont aussi les élixirs floraux, la gemmothérapie, l’aromathérapie... Toutes ces disciplines vous intéressent-elles ?

C. L. Oui, car elles se complètent admirablement. On touche des niveaux différents de l’organisme. La phytothérapie classique, avec les tisanes, les teintures mères et autres macérats glycérinés s’adressent plutôt directement au métabolisme, alors qu’avec les élixirs, on s’adresse aux aspects énergétiques de l’individu. En ce moment, la gemmothérapie m’intéresse au plus haut point : le bourgeon résume les propriétés de chacune des parties de l’arbre (feuille, écorce...). Nous travaillons actuellement sur une soixantaine d’arbres et d’arbustes, mais le potentiel est énorme, car on n’utilise que les arbres des zones tempérées... On est très loin de les connaître tous.

P & S - N’est-ce pas finalement ce qui n’a de cesse de vous passionner avec les plantes ?

C. L. Oui, avec la botanique, on se rend compte chaque jour que l’on sait encore bien peu de choses... Rien qu’au bord d’une route, huit plantes sur dix que l’on va rencontrer n’ont jamais été étudiées... Bien entendu, il ne s’agit sans doute pas de plantes avec des effets thérapeutiques majeurs, mais toutes ces petites découvertes sont tout autant bénéfiques et passionnantes. Et c’est une belle école, car c’est celle de l’humilité.

Parcours

Née en 1941 dans l’Aveyron, Claudine Luu est diplômée de la faculté de pharmacie de Montpellier et de l’Institut de pharmacie industrielle de Montpellier (IPIM). Elle a aussi présenté un doctorat ès pharmacie et un doctorat d’État ès sciences naturelles.

1969-1972 Directrice du laboratoire homéopathique du Sud-Est.
1974-1979 Chargée de recherche à la faculté de pharmacie de Montpellier pour les laboratoires Boiron.
1974 Thèse sur le mécanisme d’action des dilutions homéopathiques et début des expérimentations sur cette question avec son mari, Vinh Luu. Début des stages d’été sur la connaissance des plantes médicinales à Villecomtal, dans l’Aveyron.
1979 Création de L’Institut méditerranéen de documentation, d’enseignement et de recherches sur les plantes médicinales (Imderplam), où elle continue d’enseigner.
1981 Doctorat d’État de sciences à l’USTL de Montpellier, sur les «Fondements philosophiques de l’utilisation des plantes médicinales dans la médecine traditionnelle sino-vietnamienne». Cette étude aboutit à la création de lignes de produits pour cette médecine, en n’utilisant cependant que des plantes d’origine méditerranéenne.
1986 Création du laboratoire pharmaceutique LAPHT Phytofrance (Laboratoire d’aromathérapie, phytothérapie et homéopathie traditionnelle) dont elle est la PDG.
1990 Commence à écrire ses premiers livres de vulgarisation sur la phytothérapie (Arthrite, arthrose et douleurs articulaires, Éd. Piktos, La circulation veineuse, Éd. Dangles).
2016 S’attelle à l’écriture d’une Encyclopédie de la phytothérapie.

Une approche érudite de la phyto pratique

Le dernier livre de Claudine Luu donne tout de suite envie de prendre son panier et de partir au jardin, ou de courir la campagne à la recherche des plantes qu’elle a sélectionnées, avant de tester une des nombreuses façons d’extraire leurs bienfaits. Avec quelques ustensiles – mortier, filtre, flacon... –, on peut passer à l’action et transformer les feuilles, fleurs, graines en potions bienfaisantes. La cinquantaine de plantes, arbres et arbustes sont des classiques, mais Claudine Luu montre bien l’étendue de leurs possibilités. Elle nous transmet ainsi son savoir qui part aussi sur les chemins de l’histoire lorsqu’elle évoque le pharmacien Nicolas Lémery, les docteurs Roques et Cazin ou Simon Pauli, auteur au 17e siècle d’un livre sur la sauge.
250 remèdes naturels à faire soi-même, Éd. Terre Vivante, 320 pages, 24,90 e.

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