Inflammation des intestins, des aliments qui apaisent
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, en particulier la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, touchent plus de 200 000 personnes en France. Pour atténuer les symptômes de ces pathologies encore mal expliquées, privilégiez les aliments riches en acides gras oméga 3, en vitamines (C, B9, D, E…) et en sels minéraux, sans oublier la coenzyme Q10.
La principale différence entre la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémorragique (RCH) est le siège des lésions : la première peut atteindre tout le système digestif, la seconde n’affecte que le rectum et le côlon. Mais dans les deux cas, c’est une inflammation de la paroi du tube digestif qui est à l’origine des lésions, des symptômes et des complications. Pourquoi développe-t-on une RCH ou une MC ? On sait que les lésions sont causées par une hyperactivité du système immunitaire du tube digestif, mais on ignore ce qui provoque cette hyperactivité. On évoque des facteurs environnementaux, liés à une prédisposition génétique, à quoi s’ajoutent des facteurs liés à la flore digestive.
L’alimentation ne semble pas directement impliquée dans le déclenchement de la maladie ni des poussées, mais elle permet potentiellement une amélioration de la qualité de vie. Alors, par où commencer ? On optera logiquement pour une alimentation anti-inflammatoire. Évidemment, les acides gras de la famille des oméga 3 arrivent en tête : leur action anti-inflammatoire n’est plus à démontrer, en particulier pour l’acide éicosapentaénoïque (EPA) et l’acide docosahexaénoïque (DHA). Si ces deux derniers ne sont pas présents dans le règne végétal, notre organisme est capable de les synthétiser en petite quantité à partir de l’acide alpha-linolénique, un autre acide gras oméga 3 présent dans le règne végétal (noix, graines et huile de lin, de colza et graines de chia). Toutefois, cette synthèse n’est pas optimale, donc il est intéressant de consommer de temps en temps un peu de poissons gras. À défaut, il existe une alternative : les œufs. Si un œuf classique ne contient pas d’oméga 3, sa composition lipidique peut changer en fonction de l’alimentation de la poule. Ainsi des poules nourries aux graines de lin pondront des oeufs contenant de l’acide alpha-linolénique et du DHA.
En revanche, attention à ne pas confondre les oméga 3 avec les acides gras oméga 6 (huile et graines de tournesol, huile de germe de blé, pignons de pin, graines de sésame, produits laitiers, beurre), qui ont une tendance proinflammatoire ; il ne faut pas les diaboliser non plus, car ils remplissent plusieurs fonctions importantes dans l’organisme. Finalement, c’est le ratio oméga 6/oméga 3 qui importe le plus, car notre alimentation actuelle est trop riche...
en oméga 6 et trop pauvre en oméga 3. Ce ratio doit être de 2 à 4/1 en tendant vers 1/1, alors qu’à l’heure actuelle celui-ci peut atteindre 20/1…
Composez des assiettes de fruits et légumes multicolores : plus il y a de couleurs, plus vous êtes certains de varier les composés, vitamines, minéraux, antioxydants et autres substances aux propriétés antiinflammatoires reconnues. Tournez-vous par exemple vers les légumes verts à feuilles et les crucifères telles que le brocoli et le chou (vert, rouge, rave, pommé…). Ces derniers sont un concentré de substances bénéfiques comme des vitamines (C, bêta-carotène, B9 et E), des sels minéraux (potassium) et des glucosinolates (hétérosides sulfurés) aux effets anti-inflammatoires et anticancéreux puissants.
Coup de fouet antifatigue
Mentionnons la présence d’une vitamine moins connue : la vitamine K1 ou phytonadione. Outre son effet sur la coagulation, c’est un puissant anti-inflammatoire avec un effet marqué sur la diminution de plusieurs marqueurs inflammatoires sanguins. Elle est aussi présente en bonne quantité dans la laitue et le persil frais. Ce dernier est d’ailleurs très riche en vitamine C, elle aussi ayant des propriétés anti-inflammatoires reconnues. Elle présente en outre l’avantage de donner un petit coup de fouet et de lutter contre la fatigue, souvent très présente quand on souffre d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin.
La vitamine E est aussi un puissant antiinflammatoire naturel, avec des propriétés antioxydantes intéressantes pour l’organisme et la lutte contre les radicaux libres (générés par certains traitements allopathiques). On la trouve dans les oeufs, les amandes, les noix, la mangue, le brocoli. L’huile de germe de blé est une championne en la matière, mais attention, elle contient plus de 50 % d’acide gras oméga 6. Veillez donc à vos apports en oméga 3 pour équilibrer. Dernière vitamine anti-inflammatoire, la vitamine D : une étude a démontré que plus le taux de vitamine D est élevé et plus la production de médiateurs inflammatoires par des globules blancs soumis à un stress oxydant est basse.
D’autres études indiquent aussi le rôle potentiel que joue une carence en vitamine D dans la genèse de la maladie de Crohn. On sait aussi que nos populations sont souvent carencées en cette vitamine. Raison de plus pour s’exposer régulièrement au soleil (sans excès) et consommer de temps en temps des oeufs, du beurre, du fromage et des champignons.
Pensez également à faire le plein de coenzyme Q10 : un puissant antioxydant et antiinflammatoire de plus en plus étudié ces dernières années que l’on retrouve dans les noix et graines, les huiles végétales et, dans une moindre mesure, dans les oranges et les framboises. Enfin, n’oubliez pas de prendre soin de votre flore intestinale en consommant régulièrement des produits lactofermentés pour la réensemencer ainsi que des fruits et légumes riches en fibres prébiotiques pour la nourrir. En effet, leur fermentation permet la formation d’acide butyrique, un acide gras à chaîne courte utilisé par les cellules intestinales à visée énergétique et protectrice.
Cette approche anti-inflammatoire doit enfin tenir compte de la tolérance de chacun aux aliments et doit s’associer à une bonne hygiène de vie pour vivre au mieux sa maladie.
Misez sur les herbes et les épices
Certaines herbes aromatiques et épices ont des propriétés antiinflammatoires reconnues. Tournez-vous vers le gingembre, qui donnera à vos préparations une saveur exotique. Le thym et le romarin renferment du D-limonène et de la lutéoline, lui conférant ses propriétés anti-inflammatoires. Quant au cumin, à l’anis et à la coriandre, leur effet sur l’inflammation est dû à la présence d’anéthol. N’oubliez pas non plus le basilic, puissant antispasmodique. Découpez quelques feuilles sur vos salades et vos plats. Si vous n’en avez pas au jardin, il vous reste la solution de préparer une huile parfumée : comptez 1 à 2 ml d’huile essentielle de basilic par litre d’huile d’olive.
La cameline, vous connaissez ?
Les graines de cameline, Camelina sativa, sont pressées à froid pour obtenir une belle huile à la couleur jaune dorée et à l’odeur caractéristique. Sa composition est intéressante, car elle contient près de 2 fois plus d’oméga 3 que d’oméga 6, ce qui nous donne un ratio très favorable. Elle présente en plus l’avantage d’être riche en vitamine E. Sa saveur est un peu particulière, très végétale : certains y reconnaîtront l’asperge verte, d’autres le foin fraîchement coupé. Si elle vous déplaît, commencez par petite dose en la mélangeant à votre huile habituelle. Elle relève à merveille les salades de crudités estivales.
Aliments interdits ?
C’est une question légitime quand on souffre d’une maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI). Il n’existe pas de lien avéré entre intolérance au gluten et maladie de Crohn ou rectocolite hémorragique. En revanche, les MICI peuvent s’accompagner d’une prédisposition à l’intolérance au lactose. Il n’y a en effet pas un seul régime recommandé pour traiter ce type de maladies. En cas de poussée, on recommande en général de limiter les apports en fibres afin de ne pas irriter davantage la muqueuse : préférez les fruits et légumes cuits, veillez à une bonne hydratation, faites le plein d’oméga 3 et évitez tout ce qui peut favoriser les troubles du transit (caféine, alcool, sucres-alcool comme le xylitol ou le sorbitol). Les jus de légumes lactofermentés peuvent être un bon soutien s’ils sont bien tolérés.