Du chocolat noir… sinon rien !
Le cacao, quel bonheur quand plaisir rime avec bienfaits ! Mais n’abusons pas de cette merveille. Et sachons choisir notre chocolat, à la lumière des études récentes, parfois surprenantes.
Autrefois denrée rare, de luxe ou médicinale, le cacao représente désormais un produit de masse. Il s’est imposé dans notre alimentation, à l’instar du thé et du café. À tel point qu’on en oublierait l’origine tropicale de notre carré de chocolat quotidien ! Natif d’Amérique centrale, le cacaoyer est aujourd’hui majoritairement cultivé en Afrique : la Côte d’Ivoire fournit plus du tiers du cacao à l’échelle mondiale, suivie du Ghana, de l’Indonésie et du Nigeria. Or c’est au prix d’une intense déforestation que cette culture s’est développée, mais aussi d’un commerce inéquitable : plus de 90 % de la production est assurée par des planteurs mal rémunérés qui exploitent de jeunes enfants. Il va sans dire que les labels Équitable, Agriculture biologique, ou Rainforest Alliance représentent les critères de base pour l’éthique de nos achats.
Ces rappels sont d’autant plus importants en période de fête que l’ambiance décontractée nous transforme parfois en consommateurs écervelés. Et ils sont indispensables avant d’aborder la grande valeur santé de ce mets délicieux. Comme l’ont souligné de multiples études scientifiques publiées au cours de ces dix dernières années, c’est l’un des aliments les plus riches en substances antioxydantes. La poudre de cacao est en effet composée jusqu’à 10 % de polyphénols : des flavonoïdes pour être précis, notamment catéchine et épicatéchine.
Une action à « effet d’aspirine »
En 2003, des chercheurs ont comparé des portions de chocolat, de vin rouge et de thé, et conclu que la capacité antioxydante du cacao était deux fois plus élevée que celle du vin rouge, et deux à cinq fois plus que celle du thé. En définitive, une grande partie des polyphénols apportés par notre alimentation proviendrait des produits cacaotés. Parmi eux, la poudre de cacao (à ne pas confondre avec le chocolat en poudre) arrive en tête, suivie par le chocolat noir. Le chocolat au lait est beaucoup moins concentré en flavonoïdes, et le blanc n’en contient pas puisqu’il est fabriqué seulement à partir de beurre de cacao.
Les bienfaits de ces antioxydants sont légion : les recherches indiquent que la consommation de flavonoïdes peut diminuer le cholestérol LDL – le mauvais – en empêchant son oxydation, et augmente au contraire le cholestérol HDL – le bon. La catéchine et l’épicatéchine inhibent l’agrégation plaquettaire, une action dite « à effet d’aspirine », d’où un risque moindre d’athérosclérose. Ces flavonoïdes abaissent la résistance à l’insuline chez le patient hypertendu, facteur de risque de diabète de type 2, accroissent la capacité de dilatation des vaisseaux sanguins et diminuent la tension artérielle. En particulier, des recherches réalisées sur des personnes âgées hypertendues ont montré que la consommation quotidienne de 100 g de chocolat noir, durant plus de quatorze jours, diminuait leur pression artérielle. On a connu traitements plus désagréables ! Une étude publiée cette année dans The Journal of Nutrition synthétise toutes ces vertus, passant en revue plusieurs dizaines d’articles : finalement, le chocolat, grâce à ses antioxydants, est cardioprotecteur. Les polyphénols du cacao seraient également bénéfiques à la vue et à la mémoire : des effets observables deux heures et demie après sa consommation. La sensibilité aux contrastes et la mémoire spatiale sont améliorées tandis que le temps nécessaire à la détection des mouvements est réduit. Pour les scientifiques, ces bienfaits pourraient être liés à l’augmentation du flux sanguin cérébral provoquée par les polyphénols.
Du tonus pour les muscles
Ces résultats n’appellent pas à une consommation effrénée de chocolat : moins de 10 g par jour, et on bénéficie déjà de sa protection cardiovasculaire. De plus, ils concernent les produits cacaotés riches en flavonoïdes, soit la poudre ou le chocolat noir à fort pourcentage. Oui mais voilà : on ajoute le plus souvent beaucoup de matière grasse (du beurre de cacao), du sucre ou encore du lait. Ces incorporations permettent notamment de masquer l’amertume et l’astringence que les polyphénols (des tanins) donnent justement au cacao ! Les tablettes à fort pourcentage ne sont pas appréciées de tous : trop fortes, par exemple, au palais des enfants. Or il a été montré que les protéines du lait peuvent inhiber l’absorption des flavonoïdes dans l’intestin. En revanche, le beurre de cacao présente un intérêt attesté : il est certes composé en majorité d’acides gras saturés, mais sa composition est telle (environ 34 % d’acide stéarique, qui se transforme en gras mono-insaturé après digestion) qu’il n’élèverait pas le taux de cholestérol sanguin autant que d’autres graisses. Il aurait en outre des effets bénéfiques sur la circulation et la pression sanguines.
Est-il nécessaire de rappeler les vertus toniques du cacao ? Il contient en effet de la théobromine et de la caféine qui stimulent la sécrétion d’adrénaline. C’est peut-être pour cette raison que le chocolat était traditionnellement servi comme boisson roborative aux personnes ayant accompli un labeur physique dans la société maya. Au XIXe siècle, il était vendu en pharmacie comme fortifiant (cf. « Les chocolats de santé Debauve », Plantes & Santé, n° 118). Il renferme également du magnésium aux vertus relaxantes et de la sérotonine qui équilibrent les personnes stressées. Pour certains d’entre nous, ces molécules qui se combinent à la saveur douce et suave du chocolat en font un miracle de plaisir, un véritable réconfort pour le corps et l’esprit…
On est loin de connaître les nombreuses vertus du cacao. Une étude réalisée sur des souris montre par exemple que de petites quantités, consommées pendant deux semaines, stimulent autant l’organisme qu’une demi-heure d’exercice physique ! L’épicatéchine agirait en effet comme stimulant des mitochondries, ces petites centrales énergétiques présentes dans nos cellules. Or, pour qu’un exercice physique soit efficace, le métabolisme doit fournir de l’énergie pour contracter les muscles. Manger du chocolat pourrait donc permettre de lutter contre la déperdition musculaire qui s’accentue avec l’âge. Mais cumuler sport et chocolat reste encore le meilleur choix.