Les vertus de la fermentation
Légumes, céréales et légumineuses : tous ces aliments peuvent être consommés après avoir subi une fermentation. Les vertus de cette technique très ancienne ne se limitent pas à la conservation. Elle rend aussi les aliments plus digestes, plus nutritifs et les enrichit de millions de bactéries bénéfiques.
Traditionnellement, la fermentation était l’un des moyens les plus courants, avec le séchage, pour conserver les aliments. Ce procédé procurait une nourriture « prête à manger » saine et roborative. Elle était ainsi utilisée pour conserver de nombreux légumes, préservant leur aspect et leur couleur, en plus de leur procurer une saveur acidulée. En France, la tradition s’est perpétuée pour le chou, donnant la fameuse choucroute – terme qui désigne à la fois le légume fermenté et le plat alsacien –, mais elle s’est perdue pour nombre d’autres légumes que l’on consomme désormais frais, en conserve appertisée ou sur- gelés. Or la fermentation n’a pas pour seule vertu de prolonger la durée d’utilisation des aliments : elle améliore leurs qualités nutritionnelles, enrichissant les légumes en bonnes bactéries, en vitamines et en enzymes. Seul bémol, le mode de préparation de ces aliments fait qu’ils sont déconseillés aux personnes devant respecter un régime sans sel.
Pour comprendre ce phénomène, plongeons-nous dans son alchimie. Pour réussir une fermentation, il faut submerger le légume dans un liquide qui peut être sa propre eau, ou bien une saumure. L’absence d’air et la présence d’une légère quantité de sel inhibent les moisissures et autres microbes responsables de la putréfaction. A contrario, ces conditions dites anaérobies (sans oxygène) favorisent les ferments lactiques, les « bonnes bactéries », appartenant à la famille des lactobacilles, qui se nourrissent de glucides et les transforment en acide lactique. Au fur et à mesure du processus, le jus devient de plus en plus acide jusqu’à atteindre un pH relativement bas, compris entre 3,5 et 4. Les bactéries lactiques sont alors inhibées, d’où l’arrêt de la fermentation. Le milieu s’équilibre alors, donnant un produit stable qui se conserve plusieurs mois, voire plusieurs années, à température ambiante.
Une alternative aux probiotiques
Ainsi, les légumes lactofermentés, quand ils ne sont pas cuits, et leur jus contiennent de nombreuses bactéries utiles à notre flore intestinale, et représentent une bonne alternative aux pro- biotiques vendus sous forme de compléments alimentaires. On pourra donc les prendre pour améliorer son immunité, contribuer à la bonne absorption de certains nutriments et améliorer le transit intestinal. D’autre part, les teneurs en vitamines augmentent au cours de cette fermentation : le chou fermenté contient par exemple plus de vitamines PP et B12 que le chou frais, et surtout plus de vitamine C dont la quantité double au début de la fermentation, avant de diminuer, lentement, au cours de la conservation. Enfin, l’acide lactique assainit le tube digestif en inhibant les bactéries pathogènes. Précisons qu’il n’acidifie pas l’organisme, car la fermentation rend mieux assimilables les minéraux alcanisants comme le potassium.
Les céréales et les légumineuses sont également fermentées dans de nombreuses préparations. En premier lieu, le blé qui, réduit en farine et mélangé à de l’eau ou à du sel, procure le levain. Cette levure naturelle, constituée de bactéries lactiques et de levures, à la différence de la levure de bière utilisée pour les pains modernes, permet une meilleure assimilation des minéraux, notamment le fer et le magnésium. Comment ? En favorisant la disparition de la plus grande partie de l’acide phytique, une molécule...
présente dans les céréales complètes et gênant l’assimilation de ces minéraux. En outre, la fermentation des céréales augmente la teneur en polyphénols et en lysine, un acide aminé indispensable car non synthétisé par l’organisme.
En Asie, le soja est fréquemment fermenté et se décline ainsi sous forme de miso, une pâte que l’on dilue dans de l’eau chaude pour confectionner un bouillon, de shoyu (ou sauce soja), de natton ou tempeh, deux types de graines de soja fermentées. Non seulement ces préparations sont plus digestes, plus riches en enzymes et en vitamines, mais leur fermentation favorise l’assimilation des protéines en inhibant un complexe de molécules (« le facteur antitrypsique ») contenu naturellement dans le soja, qui peut provoquer des troubles digestifs et altérer l’absorption des acides aminés.
Economique et écologique En Inde, on fait également fermenter l’idli et les dosas, des pains composés de riz et de lentilles. Or, partout, ces préparations qui reposent sur la richesse bactérienne et le savoir-faire local sont menacées. En effet, dès lors que l’alimentation s’industrialise, même les bonnes bactéries deviennent indésirables. Pour l’industrie alimentaire, il est beaucoup plus simple de stériliser les aliments avant le processus de transformation, au cours duquel on ajoute, le cas échéant, des ferments contrôlés. Heureusement, de nombreuses fermentations sont faciles à réaliser chez soi : vous n’aurez besoin que d’un bon couteau et de bocaux pour la préparation de légumes lactofermentés. Ce procédé, s’il demande un peu de temps, apparaît comme un moyen économique et écologique de se procurer de véritables « alicaments ».
Les principales fermentations
La fermentation lactique est la plus fréquente dans le domaine alimentaire. lle transforme en acide lactique l’amidon principal constituant du vinaigre. des céréales, le saccharose et le glucose des légumes et le lactose du lait. On peut laisser se développer spontanément les bactéries présentes sur les légumes ou le blé (pour le levain) ; pour le yaourt, il est en revanche indispensable d’ensemencer avec un ferment.
La fermentation acétique transforme quant à elle l’alcool en acide acétique.
La fermentation alcoolique transforme les sucres en alcool et en gaz carbonique sous l’action de levures.
Un certain nombre de fermentations font intervenir des moisissures en plus des bactéries lactiques et des levures. C’est le cas pour la fabrication de nombreux fromages et des produits fermentés à base de soja (miso, tempeh).
Des fermentations complexes font intervenir plusieurs types de micro-organismes, (affinage de certains fromages à pâte cuite).
«Bortsch» sans cuisson - POUR 4 PERSONNES
Préparation
• 4 grosses betteraves rouges
• 1 tranche de pain de seigle complet
• 1 l d’eau tiède
• 4 œufs
• 1 petit concombre
• 4 c. à soupe de crème épaisse
• sel, poivre et aneth.
Méthode
1. Épluchez les betteraves et coupez-les en dés.
2. Mettez- les dans un grand bocal, ajoutez le pain et l’eau.
3. Fermez hermétiquement.
4. Laissez fermenter 4 jours à température ambiante. La saveur doit alors être acide et agréable.
5. Jetez le pain et assaisonnez.
6. Ajoutez les œufs cuits durs et coupés en petits morceaux, le concombre en tranches.
7. Servez avec une cuillère de crème épaisse et les brins d’aneth.
Savoirs
Le bortsch (ou barszcz en polonais) est en général connu comme une soupe en Russie et dans les pays voisins. Elle fait partie de la grande famille des soupes acides très consommées dans ces pays. Dans la plupart des recettes modernes, la saveur acide est donnée par du vinaigre. Mais, traditionnellement, elle résultait d’une fermentation. On pouvait soit utiliser des betteraves rouges lactofermentées, soit ajouter du kvas, une boisson fermentée et pétillante, légèrement alcoolisée. Ici, la recette vise à optimiser les vertus nutritives des betteraves lactofermentées. Cette recette est tirée du livre « Des aliments aux mille vertus - Cuisiner les aliments fermentés », par Claude Aubert et Jean-James Garreau, éd. Terre Vivante.
Mode d’emploi
L’autre goût des légumes
1. Choisissez les légumes de saison (mélangez par exemple chou blanc, carotte, céleri et betterave).
2. Ajoutez des aromates et des épices (ciboulette, oignon, laurier, gousses d’ail, piment, gingembre frais...)
3. Détaillez les légumes en petits dés ou en lamelles.
4. Faites dissoudre 30 g de gros sel de mer sans additif dans 1 l d’eau bouillante non chlorée. Ajoutez les aromates et laissez refroidir.
5. Mettez les légumes et les épices dans un bocal en verre avec couvercle à joint de caoutchouc. Remplissez jusqu’à 2 cm en dessous du bord.
6. Versez la saumure froide qui doit recouvrir les légumes. Fermez le couvercle.
7. Laissez le bocal à température ambiante (18-25 °C) pendant 7 jours. Placez ensuite dans un endroit frais (aux alentours de 15 °C), et attendez 2 à 3 semaines.
Tarte fine aux légumes et tempeh
POUR 4 PERSONNES
Pour la pâte 200 g. de farine de blé T55 • 5 c. à s. d’huile d’olive • 10 cl. d’eau • 1 c. à c. d’origan séché • 1 c. à c. de graines de pavot.
Pour la garniture 200 g. de tempeh nature • 1 poireau • 2 carottes • 1 oignon • 1 gousse d’ail • 300 g. de chair de tomates • Origan et thym séchés • Sel et poivre
1. Dans un saladier, mélangez du bout des doigts et dans l’ordre les ingrédients un à un. Formez une boule de pâte et placez- la au réfrigérateur.
2. Lavez et émincez le poireau. Râpez les carottes (sans les éplucher). Émincez l’oignon et l’ail.
3. Dans une poêle généreusement huilée, faites revenir l’oignon pendant 2-3 minutes. Ajoutez- y les carottes, le poireau et l’ail. Assaisonnez à convenance avec les herbes, le sel et le poivre.
4. Laissez cuire à feu doux et à couvert pendant 10 minutes. Ajoutez enfin la chair de tomates et laissez cuire 5 minutes supplémentaires.
5. Coupez le tempeh en tranches puis en tout petits dés. Huilez une poêle et faites revenir le tempeh à feu moyen pendant 3-4 minutes en remuant de temps en temps.
6. Pré- chauffez votre four à 200 °C.
7. Étalez la pâte assez finement sur un plan de travail fariné. Placez-la sur une plaque couverte de papier cuisson.
8. Couvrez la pâte de légumes à la tomate puis parsemez de tempeh poêlé.
9. Enfournez pour 30-35 minutes à 200 °C. Dégustez au sortir du four.
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Herbes acides
À l’origine, la choucroute était préparée avec toutes sortes de plantes en plus du chou, comme en témoigne son étymologie germanique : sauerkraut, qui signifie herbes acides. De la même manière, le bortsch, soupe traditionnelle en Ukraine que l’on prépare aujourd’hui avec de la betterave, était en fait préparé avec de la berce, plante herbacée dont le plat tire en fait son nom. On retrouve dans le monde une grande variété d’aliments fermentés à base de légumes sauvages. Dans le Queyras, on ramassait pour cela l’oseille des neiges, dans la région de Lyon, les feuilles de vigne et en Suisse, le rumex des Alpes (ou oseille des Alpes).