Les bienfaits de l'ortie
Reine des mauvaises herbes, l’ortie revient aujourd’hui dans nos assiettes. Antioxydant remarquable, elle possède une exceptionnelle richesse en chlorophylle, protéines, vitamines et sels minéraux qui en fait l’aliment revitalisant et tonique du printemps par excellence.
Avant d'être une mauvaise herbe, l'ortie était un légume à part entière et figurant déjà, il y a 2 000 ans, dans une soixante de recettes du naturaliste romain Pline L'Ancien. Cultivé dans les jardins jusqu'au XIXe siècle, elle fut peu à peu chassée de nos assiettes avec l’arrivée des légumes rapportés des colonies. Elle devint alors synonyme de pauvreté, car cuisinée seulement en périodes de disette.
Aujourd’hui, ce patrimoine culinaire fait son grand retour dans nos menus, aussi bien pour ses vertus santé que pour sa saveur. «L’ortie reste ancrée dans la mémoire collective», explique Bernard Bertrand, spécialiste et grand défenseur de l’ortie en France depuis trente ans. « On a tous un grand-père, une grand-mère qui la consommait. Dans les années soixante-dix, j’ai côtoyé des bergers qui, naturellement, en montaient dans les alpages avec quelques pommes de terre pour faire de la soupe. C'était un des légumes les plus consommés avec les épinard, l'ortie n'est pas amère mais douce, suave et moulleuse. Crue ou cuite, elle se prête à de nombreuse préparations culinaire: à la vapeur, simplement poêlée à l’huile d’olive accompagnée de quelques oignons, en délicieux pestos, en soupes onctueuses, en coulis pour garnir quiches et tartelettes, en lasagnes, dans le pain, en purée de pommes de terre, et même en gelées et confitures!
Super aliment
« Une ortie dans le poulailler, c’est un œuf de plus dans le panier », selon un dicton populaire. Les anciens avaient sans doute bien mesuré les vertus de la petite herbe piquante, pour eux- mêmes comme pour leurs animaux d’élevage. Rien d’étonnant, quand on sait que l’ortie est l’une des plantes les plus concentrées en chlorophylle (jusqu’à 52 % de son poids). « Cela en fait un aliment exceptionnellement riche en protéines, vitamines, sels minéraux et oligo-éléments », poursuit Bernard Bertrand, qui a conduit des analyses au sein de l’association les Amis de l’ortie, dont il est le fondateur. Ces analyses, effectuées sur des jeunes pousses des Pyrénées, complètent les données des bibliographies actuelles. Si aucune trace de vitamine A n’a été mesurée et que les teneurs en vitamine C sont plus faibles (mais deux fois plus élevées que les oranges !), tous les autres paramètres sont nettement supérieurs aux chiffres classiques : teneurs exceptionnelles en vitamines B1, B2 mais aussi en phosphore, bore, manganèse, zinc, cuivre, magnésium, potassium, calcium et fer. La richesse de l’ortie en protéines est par ail- leurs bien réelle : elle en contiendrait en effet 22,5 % de son poids sec. D’aucuns annoncent même 40 %, ce qui serait le cas pour les orties adultes réservées au bétail. En tout état de cause, elle jouit d’un très bel apport équilibré en acides aminés. Enfin, l’ortie arrive également en tête des aliments antioxydants, juste avant la myrtille ou le chou rouge.
Antifatigue hors pair
Avec cette richesse nutritionnelle, l’ortie se positionne comme l’un des aliments les plus toniques. « Cette plante est un vrai cocktail de santé et ses propriétés reminéralisantes peuvent agir étonnamment vite, s’enthousiasme Bernard Bertrand. C’est un peu l’EPO du pauvre. Chez certaines personnes au sommeil sensible, il faut éviter de la consommer en fin de journée. Maurice Mességué, le célèbre herboriste, en donnait aux coureurs du Tour de France sous forme de...
soupes. J’ai pu recueillir de nombreux témoignages positifs sur ses effets, auprès de convalescents notamment. Lors d’une conférence, un médecin a expliqué que, grâce à l’ortie, il avait soigné une anémie grave en 48 heures alors que tous les traitements, même les intraveineuses, avaient échoué ». De par sa richesse en fer et en chlorophylle, c’est en effet un antianémique connu. Elle favoriserait la formation d’hémoglobine, proche chimiquement de la structure de la chlorophylle. Son fer végétal serait aussi mieux assimilé que le fer d’origine animale.
Pour profiter de ses vertus régénérantes, équilibrantes et adaptogènes (régulation du stress), Bernard Bertrand conseille de la consommer crue, en cure de deux ou trois semaines : « Il faut un minimum de 200 g d’orties fraîches par jour, soit 50 g sèches, pour une vraie cure revitalisante. »
Pour lui permettre de «nettoyer le sang», il faut éviter tout abus alimentaire, d’alcool et de tabac pendant toute la cure. La façon la plus simple de consommer de telles quantités est la soupe : faire bouillir deux ou trois pommes de terre et 1’oignon dans un demi-litre d’eau et ajouter les orties fraîches deux minutes avant de mixer. De cette façon, on garde une bonne partie des propriétés de l’ortie crue. Les pestos (mixer l’ortie fraîche, l’huile d’olive et un peu d’ail) sont eux aussi excellents et sans danger : broyées au hachoir électrique, les feuilles perdent en effet leur piquant.
Une tisane avec sa racine
L’ortie entre aussi dans nombre de préparations de phytothérapie. À ce jour, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît son utilité pour les douleurs articulaires et l’hypertrophie bénigne de la prostate. De fait, elle est un excellent dépuratif et per- met d’éliminer les toxines des articulations. Sa richesse en silice améliore en outre l’état des cartilages. Une cure d’ortie ou de tisanes paraît donc indiquée en cas d’arthrite ou de maux de dos, d’autant que la plante est également anti-inflammatoire. En traitement complémentaire des troubles bénins de la prostate, on utilise sa racine (une cuillère à soupe de racine séchée pour un demi-litre d’eau). Enfin, les feuilles soulagent aussi les symptômes de la rhinite allergique en cure de trois mois (orties fraîches ou teinture mère de plantes fraîches et tisanes) et atténuent les problèmes de peau. Avec globalement très peu de contre- indications (excepté les racines en cas de cancer hormonodépendant ou les graines en cas de fragilité rénale), ce super-aliment a toutes les raisons de rejoindre votre cuisine et vos recettes au quotidien pour vous offrir le plein de vitalité et de bienfaits à moindre coût. Par ailleurs, l’ortie égaiera votre table en apportant une surprenante teinte verte à tous vos plats.
Mode d’emploi - L’ortie qu’il vous faut
Généralement, on consomme plutôt la grande ortie (Urtica dioica) qui pousse toute l’année, mais la petite ortie, ou ortie brûlante (Urtica urens), est, elle aussi, délicieuse au printemps. Mieux vaut éviter de les confondre avec les « fausses orties » blanches (Lamium album), rouges (Lamium purpureum) et jaunes (Lamiastrum galeob-dolon), qui sont en fait des lamiers, comestibles mais moins riches en nutriments et en saveurs. Les différencier n’est pas bien difficile : seules les vraies ortie
Sablés aux orties - POUR 4 À 5 PERSONNES
Préparation
• 160 g de beurre à température ambiante
• 300 g de farine
• 70 g de sucre
• 3 c. à soupe d’ortie séchée
• 1⁄2 sachet de poudre à lever
• 1 jaune d’œuf
1. Préchauffez le four à 170 °C.
2. Coupez le beurre en dés.
3. Mélangez la farine, la poudre d’ortie, la poudre à lever et le sucre. Ajoutez le beurre et sablez la pâte du bout des doigts.
4. Ajoutez le jaune d’œuf, puis formez une boule.
5. Placez la pâte entre deux feuilles de papier cuisson (afin d’éviter qu’elle colle au rouleau). Étalez-la sur une épaisseur de 1 cm environ. À l’aide d’un emporte-pièce, découpez des sablés.
6. Placez-les sur une plaque recouverte de papier sulfurisé. Faites cuire pendant environ 10 minutes.
Recette tirée du nouveau livre d’Amandine Geers et Olivier Degorce : « Je cuisine les plantes sauvages » Éditions Terre vivante, 144 pages, 12 e. Ortie, plantain, pourpier, ail des ours, lierre, menthe, amarante... Ce livre rappelle leurs vertus, donne des conseils de cueillette et propose cinquante recettes, salées et sucrées, pour prolonger les balades gustatives.
Pâté d’ortie au kasha - POUR UN POT DE 400 À 500 ML
Préparation
• 200 g de pointes d’ortie
• 100 g de kasha (graines de sarrasin grillées )
• 30 g de graisse de canard
• 1 oignon
• 1 gousse d’ail
• sel et poivre.
1. Faites chauffer un demi-litre d’eau dans une casserole. Plongez-y le kasha, et faites cuire à petit feu pendant dix minutes. Égouttez.
2. Ébouillantez les pousses d’orties, puis égouttez-les avant de les hacher (cette opération permet de supprimer le côté urticant, mais on peut aussi les hacher frais).
3. Hachez l’oignon et l’ail pelés, dont on a enlevé les germes.
4. Faites fondre la graisse de canard dans une petite cocotte ou une poêle. Faites de même avec l’oignon puis l’ail pendant quelques minutes. Ajoutez enfin les orties et le kasha. Salez et poivrez, mélangez et prolongez la cuisson pendant 5 minutes à couvert et à feu très doux
5. Mixez le tout. Mettez en pot et laissez refroidir.
Comment la cueillir
Quand ? En dehors des périodes de gel, on trouve la grande ortie durant toute l’année car elle repousse régulièrement lorsqu’elle est fauchée. Choisissez les orties tendres et jeunes avant la floraison (ensuite, elles sont plus dures) et ne prenez que les 4 ou 5 feuilles du haut, sauf au printemps.
Où ? Soyez prudent : l’ortie est une plante dépolluante. Évitez les zones agricoles non bio, les tas de fumier, les bords des routes et des fossés. Préférez les zones humides proches des cours d’eau. Le mieux : l’inviter dans son jardin !
Sans se piquer Le meilleur moyen est de porter des gants. À défaut, cueillez les orties par le bas des feuilles avec un papier ou un mouchoir, ou coupez le bouquet de feuilles terminales avec des ciseaux. Lorsqu’il a plu, les orties mouillées piquent moins. Si vous vous piquez, prenez une feuille de plantain pressée et frottez pour soulager.
À consommer toute l’année
En paillettes Une manière facile de consommer des orties toute l’année, car les paillettes s’intègrent à tous les plats. Pour les confectionner vous-même, faites sécher les jeunes pousses sur des claies à l’abri du soleil et dans un lieu ventilé, jusqu’à dessiccation, puis effeuillez à la main.
En tisane La tisane offre de nombreuses ver- tus. Pour un goût agréable, ajoutez à 3 c. à café d’orties séchées, 3 à 4 graines de cardamome et 4 à 5 feuilles de menthe poivrée dans un demi-litre d’eau bouillante. Infusez pendant 10 minutes.
Bière d’ortie L’ortillette est fabriquée avec des feuilles fraîches d’orties bouillies dans de l’eau. On les filtre ensuite avant d’y ajouter du sucre et de la levure pour la fermentation en bouteille. Filtrez à nouveau avant de mettre en bouteille.
Congelée Un bon moyen pour la cuisiner en hiver. Ébouillantez-la avant de la mettre au congélateur.