La petite histoire de la tisane de Hoerdt
En Alsace, la tisane de Hoerdt est utilisée depuis plusieurs siècles pour traiter l’insuffisance hépatique et biliaire. Transmise de génération en génération, sa formule associant pas moins de huit plantes est toujours une référence.
Réputé pour ses asperges blanches et son carnaval, le village de Hoerdt, situé à une quinzaine de kilomètres au nord de Strasbourg, l’est à un degré moindre pour sa tisane hépatique, la tisane de Hoerdt, ou « Hoerdter Lebertee » en alsacien. D’après la légende locale, ce mélange de huit plantes médicinales* aurait été mis au point par une guérisseuse dénommée Salomé Leininger. On sait peu de choses sur cette femme excepté sa parenté avec la famille Mischler, qui tient l’épicerie du village.
Dans Hoerdt, images d’une histoire, un ouvrage collectif qui relate les événements marquants de la commune, on apprend que la recette de cette tisane s’est transmise de génération en génération avant que le pharmacien Paul Goerner ne commence à la commercialiser en 1928. Pour récolter les plantes nécessaires à la fabrication de la...
décoction, il se rendait quotidiennement sur les bords de la rivière Zorn et parcourait les prairies humides avoisinantes. Dans cet écosystème particulier, on pouvait croiser des hiboux moyen-duc, ce qui expliquerait la présence de cet animal sur les boîtes de la tisane !
Couramment prescrite en cas d’insuffisance hépatique et biliaire, la tisane était aussi indiquée, découvre-t-on sur une publicité de l’époque, pour d’autres maux tels que l’hypertension artérielle, les hémorroïdes, l’insomnie et l’« âge critique des femmes ». Il existait aussi une crème hépatique de Hoerdt, obtenue en mélangeant les mêmes plantes avec du saindoux, et réputée venir à bout de la congestion du foie. Pendant la Seconde Guerre mondiale, elle fut souvent utilisée par les habitants de Hoerdt pour pallier la pénurie de médicaments.
En 1949, les nouveaux propriétaires de la pharmacie, les époux Wieger, décidèrent de poursuivre et d’étendre la commercialisation de l’infusion alsacienne. Le statut de médicament (AMM) leur fut ainsi accordé par le ministère de la Santé ! Au début des années 2000, leur fils, Jean-Michel Wieger, a cédé la marque au Laboratoire Michel Iderne, qui a préservé sa composition, à l’exception du trèfle d’eau, et surtout sa bienfaisante amertume !
Le ményanthe, menacé d’extinction
À l’origine, la tisane de Hoerdt incluait dans sa composition le ményanthe, ou trèfle d’eau, plante connue pour ses propriétés de tonique amer. Cette aquatique à feuilles trilobées et fleurs blanches ou roses en grappes, croissant dans les endroits marécageux des régions tempérées, est en voie de disparition depuis plusieurs années. Après s’être approvisionné pendant un temps en Europe de l’Est, le Laboratoire Michel Iderne a décidé d’abandonner cette espèce protégée et d’augmenter la proportion de romarin, plante maîtresse dans la sphère hépatique.