Les saintes plantes de la Bible
Témoins d’une période historique ou supports d’allégories religieuses, les plantes sont très présentes dans les récits fondateurs du christianisme. Dans un livre récent, Florence et Marie-José Thinard mènent l’enquête sur leur symbolique.
Nous connaissons tous la légende des Rois mages apportant des présents à la naissance de Jésus. C’est un thème récurrent de Noël qui nous rappelle que les plantes telles que l’encens et la myrrhe ont dans la tradition religieuse une valeur aussi grande que l’or.
Précieuses et symboliques, les plantes le sont donc depuis des millénaires. Et c’est justement le sujet d’un très beau livre, récemment paru, intitulé « Dans les jardins de la Bible » (de Florence et Marie-José Thinard, Éd. Plume de Carotte, 2014).
Au fil des pages, vous découvrirez les significations originelles des plantes, mais vous vous déferez aussi de certaines idées reçues, comme celle des pommes du jardin d’Eden qui n’en sont pas, ou plutôt qui le sont devenues lorsque la Bible a été traduite en latin, par Saint-Jérôme, au IVe siècle.
Surtout, le mérite de cet ouvrage est de vous inviter au voyage, à l’exploration des merveilles végétales de l’Antiquité, avec en plus, un petit parfum de rêve que seules les plantes orientales peuvent vous offrir.
« Réjouir Dieu et les hommes »
Certes, des plantes de la Bible, nous n’avons pas tout oublié. Le vin, par exemple, dont on trouve plus de 350 références dans le Livre saint. Cultivé depuis la plus haute Antiquité en Mésopotamie et en Égypte, il était dès le temps des Hébreux adouci par de la résine et du miel, mais aussi rehaussé par des épices.
S’il « réjouit Dieu et les hommes », il est aussi dangereux, perfide, « arrogant ». Noé, qui plante la vigne dès la fin du Déluge, en a fait les frais ! Humilié d’être surpris ivre et nu, il jeta une malédiction sur son fils, qui se propagea sur toute sa descendance… c’est-à-dire l’ensemble de l’humanité. On n’oubliera pas non plus que Jésus en a fait son sang et a ainsi aboli les sacrifices sanglants.
Le blé et l’orge ne sont pas non plus en reste, puisqu’ils sont en creux dans l’expression « séparer le bon grain de l’ivraie ». En fait, l’ivraie est une plante très semblable au blé, et qu’on ne peut distinguer de lui qu’une fois arrivée à maturité. Or elle est très souvent infectée par un champignon, accumulant dans ses grains un puissant alcaloïde neurotoxique, la témuline, qui donne des nausées, des délires et peut même conduire au trépas…
Accessoirement, le terme hébreu pour ivraie, zizoneh, a donné en français celui de zizanie, qui, à l’image d’une mauvaise herbe comme l’ivraie, se répand en secret et porte en elle un poison…
Vous ne serez pas non plus étonné de retrouver l’olivier, planté en masse lors de la sédentarisation en Terre Sainte. Le roi Salomon aurait envoyé au roi Hiram de Tyr, pour payer la construction du Temple, 440 000 litres d’huile d’olive, ce qui représente la production de 240 000 oliviers. Et encore, ce chiffre ne représente qu’un excédent de production !
Le miracle de la fiole d’huile
Souvenons-nous aussi que l’huile d’olive jouait alors un rôle fondamental, puisqu’elle permettait de s’éclairer. Ce dont témoigne Hanukkah, fête juive commémorant le « miracle de la fiole d’huile », et dont est issue la tradition des cadeaux de Noël.
Enfin, vous serez heureux d’apprendre que, loin d’être un pommier, l’arbre du jardin d’Eden était certainement un figuier, dont les fruits ont encore une connotation érotique, en italien par exemple.
L’idée selon laquelle la pomme serait le fruit qui mène à la connaissance du bien et du mal vient quant à elle de la traduction de la Bible, puisque malus en latin signifie pomme, mais aussi funeste, mauvais. Représenter le fruit défendu par une pomme allait donc de soi !
Quant aux Hébreux, ils n’avaient rien contre les pommes, comme l’illustre le Cantique des Cantiques, dans lequel, douce et belle, elle invite à une passion que l’on interprétera à son gré, charnellement ou spirituellement.
Une ribambelle de surprises
J’ai, comme vous le constatez, personnellement trouvé dans ce livre bien des sujets passionnants, dont je serai ravi de vous reparler à l’occasion.
D’abord, la manne que Dieu fait tomber du ciel pour nourrir les Hébreux durant leur errance de quarante ans dans le désert serait du tamaris. Elle viendrait tout simplement du terme hébreu pour dire « quoi ? », traduisant la surprise des errants devant cette chose qu’ils n’avaient encore jamais vue.
On sera aussi ravi d’apprendre l’importance du cyprès. Cet arbre a une réputation sinistre dans la tradition gréco-latine, qui l’associe au dieu des morts, comme en témoigne encore sa présence dans les cimetières et dans le célèbre tableau de Böcklin (« L’Île des morts », 1886). Or il se trouve que ce serait, selon la Bible, à partir de cet arbre que Noé aurait bâti son arche, ce qui renverse notre perspective à son propos.
On retrouvera également l’amande, présente jusque dans les fameuses recettes des treize desserts provençaux. Mais aussi la ronce sanguine, qui serait le Buisson Ardent, le cèdre, qui servit à la construction du Temple de Jérusalem, et encore bien d’autres arbres et plantes : cannelle, lentille, myrte, nard, roseau, térébinthe…
Ce livre est donc aussi instructif que soigneusement documenté. Mais ce qui m’a séduit, ce sont les références soignées à l’étymologie – qui sait que le mot herbe viendrait de l’hébreu esev ? – et surtout les illustrations, magnifiques. Vous pourrez ainsi admirer des aquarelles, de très belles photographies et des peintures allant de l’Egypte ancienne au XIXe siècle.
En conclusion de l’ouvrage, vous trouverez un herbier remarquable fabriqué en collaboration avec l’université de Montpellier, que vous pourrez compléter de vos propres glanages.
Aussi, à l’approche des fêtes de Noël, et s’il vous reste encore un petit cadeau à mettre sous le sapin, je ne saurais trop vous recommander ce livre.
En vous souhaitant le plus fleuri et le plus joyeux des Noëls !