Le basilic sacré, un avatar botanique
En Inde, rares sont les cérémonies sans offrandes, sans guirlandes de fleurs. Et sans basilic sacré, ou Tulasi, en sanscrit. Depuis des millénaires, grâce notamment aux sages qui ont reçu l’enseignement de l’ayurvéda, l’incomparable herbe aromatique accompagne le a quotidien des Indiens sur le chemin de la réalisation de soi.
Amma, considérée comme une sainte en Inde, connue pour ses étreintes salvatrices, mais aussi qualifiée souvent de bienfaitrice de l'humanité, a lancé il a quelques années une singulière alerte aux réseaux « Greenfriends » dans le monde entier : « Cultivez le plus possible le basilic sacré ! » Après le Tsunami de 2004, elle a insisté pour que tous les lieux reconstruits soient entourés de ce Tulasi, selon la dénomination sanscrite, ou tulsi chez nous. De son côté, le célèbre thérapeute indo-américain Deepak Chopra, qui promeut les sagesses indiennes, recommande aussi de le cultiver. Pourquoi faut-il donner à cette plante une telle importance ? « Le monde tourne mal et c’est comme si le Tulasi pouvait nous sauver en cas de grave crise alimentaire, sanitaire, ou autre », avance avec conviction un cultivateur de la plante dans l'un des jardin indien d'Amma… De son côté, la science contemporaine a validé jusqu'à 57 composants pour cette espèce de basilic qui ressemble peu à celui qui accompagne nos salades de tomates. Elle a confirmé de puisantes vertus adaprogèbes, assorties de propriétés antioxydantes, anti-inflammatoires, antivirales et analgésiques, notamment. Cependant, c’est son aspect sacré qui est avant tout honoré par ceux qui suivent les traditions védiques et le chemin de la « réalisation de Soi ».
Une prière permanente
Nommé « la Mère des plantes médicinales », ou « La Reine des herbes », le Tulasi apparaît dans des textes fondamentaux vieux de plus de 1 500 ans. « On le nomme souvent le “Vishnu Priya”, c’est-à-dire le “Bien-aimé du Seigneur Vishnu”», résume Lionel Poirot, herbaliste français et Vaidya, c’est-à-dire médecin ayurvédique formé en Inde. Impossible de compter toutes les mentions qui en sont faites dans...
les saintes écritures ou épopées antiques. Ainsi, dans le Bhagavata Purana et le Mahabharata, une déesse qui voulut exprimer sa dévotion à Vishnu se transforma en Tulasi « de façon à lui être offerte à chaque prière ». Ailleurs, notamment dans le Palma Purana, écrit au début de notre ère, on affirme que partout où il pousse, on ne connaît ni « la misère, la peur, la mala- die et la pauvreté, [...] qu’il rend les lieux saints encore plus dignes de louanges ». De fait, même si, au royaume indien des déités, de nombreuses autres plantes ou arbres comme le lotus ou le Ficus religiosa ont aussi leurs dévots, le tulsi a toujours bénéficié d’un statut à part. En effet, chaque partie de la plante peut être utilisée, ce qui le lie de façon spécifique aux trois principaux dieux de la mythologie hindoue : Brahmâ (le créateur), Vishnou (celui qui préserve) et Shiva, aussi appelé Rudra (le destructeur de la multiplicité), qui ramène à l’unité. « In fine, ces trois déités se confondent pour permettre un parfait équilibre dynamique de la vie. Or toutes les parties du Tulasi y accèdent et leurs effets ont des interactions vertueuses », poursuit notre spécialiste Lionel Poirot.
Un amplificateur de vibrations
Avatar botanique, divin descendu sur terre pour accompagner les humains, le Tulasi a donc toujours eu une place privilégiée dans les innombrables rites qui ponctuent le quotidien. On le sépare souvent des autres plantes pour confirmer sa nature et sa fonction exceptionnelles. Dans les temples, il n’est pas rare qu’un immense pot de Tulasi trône au milieu de l’assemblée et qu’on lui adresse directement des prières. Dans les maisons, la tradition lui attribue la capacité de chasser les démons.
Lors des Puja, cérémonies répétées en toutes occasions, l’officiant peut soit offrir des feuilles de Tulasi à une déité, soit recevoir une guirlande faite de ses feuilles. En outre, son eau sacrée (Tirana hala) est donnée à boire ou projetée sur les convives. Têtes baissées, c’est la fontanelle, ou 7e chakra, qui est exposée, pour une sorte de bénédiction qui change le niveau vibratoire, assurent ceux qui ont participé à pareilles cérémonies. Comme cette Occidentale, qui se sou- vient de ce jour où elle mit à son cou une guirlande sacrée : « Jamais je n’avais ressenti pareille charge énergétique. Or je fréquente les plantes depuis longtemps ! », précise-t-elle, encore pleine de gratitude. La tige sèche du Tulasi, comme un petit tuyau, est aussi fréquemment découpée pour composer des perles qui vont constituer le Mala, outil spirituel bien connu des Hindous, comme un chapelet. En récitant les 108 noms du Divin, ou simplement en récitant un mantra, on égrènera les perles de Tulasi (108 en général) dont on estime qu’il amplifie l’effet vibratoire du mantra. Le tulsi est ainsi associé au divin et à l’amour. Et encore aujourd’hui, Tulasi ou Tulsi est le prénom que de nombreux parents choisissent de donner à leur fille, en espérant ainsi plaire aux dieux...
Un pilier de l’ayurvéda
Selon leur nature, l’ayurvéda classe les plantes en trois catégories : soit pure, (sattvique), soit active (rajasique), soit épaisse (tamasique). Or le Tulasi est Sattva, c’est-à-dire associé à la conscience pure. Il favorise le discernement, la créativité, la capacité d’observation et la paix intérieure. Il est ainsi recommandé (notamment en huile essentielle) contre toutes sortes de peurs, pour trouver sérénité et clairvoyance.
Un omnipotent
L’Inde utilise l’omnipotent basilic sous de multiples formes. En tisane contre le stress, les maux digestifs, les grippes, les otites ; en poudre associée au miel, sous forme de pâte sucrée composée de plusieurs dizaines de plantes ; en huile essentielle mélangée à de l’huile de jojoba ou d’amande ; en pommade, notamment en cas de brûlures ou de mycoses de la peau ; en jus, en utilisant ses feuilles qualifiées d’Amapacana, qui signifie « qui digère les toxines ». De nombreux Indiens en consomment une feuille par jour, en prévention.