Dossier
Retour aux sources - L’appel de la nature (1/5)
Les bienfaits de la nature sont désormais confirmés par la science. Se mettre au vert, prendre une bouffée d’oxygène... Les offres de séjours authentiques et insolites se multiplient, de la découverte bucolique au stage de survie. Et s’il s’agissait de renouer un lien indispensable pour les urbains que nous sommes ?
Les bienfaits de la nature
Chemins escarpés de montagne, sentiers moelleux en sous-bois, ombre bienveillante d'un arbre…En été, l'envie de mettre le nez dehors revient. Que ce soit à pied à vélo ou à cheval, nous voila à nouveau goutant les joies du plein aire, profitant des sensation, des odeurs et d'une énergie qui nous font du bien. Ainsi, dès que possible, nous renouons avec une vieille histoire. Car les liens entre l’homme et la nature sont anciens, au point que le chercheur américain Ward Wilson a émis l’hypothèse qu’ils sont inscrits dans notre ADN. C’est pourquoi, au-delà de l’exercice physique que nous pratiquons, le contact avec la nature nous fait du bien. Depuis une trentaine d’années, des chercheurs essayent de comprendre le bonus que procure l’environnement naturel à notre organisme. Ils ont résumé ces effets bénéfiques sous le nom de vitamine G, pour green, et ont identifié les mécanismes à l’œuvre. Effets cardioprotecteurs et augmentation de l’immunité ont ainsi été mis en évidence.
Leurs conclusions sont aussi très positives concernant les effets sur nos comportements d’hommes stressés. Mais alors que nous reconnaissons ces bienfaits, comment ne pas prendre conscience du manque, car nous vivons aujourd’hui coupés de notre milieu d’origine. Majoritairement urbains, nous en sommes déconnectés au quotidien. D’aucuns parlent même d’un véritable déficit de nature, à l’origine de nombreux maux. Certains historiens estiment que nous avons perdu le lien avec la nature sauvage quand de chasseurs-cueilleurs nous sommes devenus agriculteurs. Pour le philosophe Frédéric Lenoir, «le passage du paléo au néolithique consacre le fait que l'homme cherche à dominer la nature, Il n'est plus intégré à son environnement et c'est ainsi que commence la séparation ».Pour d'autres, ce sont surtout les avancées technologiques qui nous on peu à peu déconnectés, tandis que notre anthropocentrisme nous fait considérer la terre comme étant à notre disposition et uniquement asser vie à nos besoins. « Or le déclin de la biodiversité ne concerne pas seulement les contrées lointaines, ajoute François Letourneux, président de la Fête de la Nature. Il se déroule aussi sous nos yeux, à deux pas chez nous.... C’est pourquoi il faut reconnecter l’homme à la nature, faire connaître, de manière ludique pour petits et grands, les richesses naturelles insoupçonnées qui nous entourent.»
De cette prise de conscience teintée de préoccupations écologistes est aussi née l’écopsychologie. En 1992, l’écrivain et historien américain Theodore Roszak a exploré cette notion dans un ouvrage dans lequel il fait un...
parallèle entre les dégâts que nous infli- geons à la planète et nos névroses individuelles. Alors, comment renouer ces liens avec notre milieu d’origine, qui est aussi celui qui nous nourrit ? Pour y répondre, un grand nombre d’initiatives prennent forme. Stages, séjours, conférences, immersion totale, il existe de nombreux moyens pour retrouver la complicité perdue avec mère Nature. La démarche n’est pas si simple. Comme le souligne l’ethnobotaniste François Couplan, « la nature, comme l’amour, n’est pas une notion évidente! Certes, quand on a les clés, on peut se dire que c’est assez facile, mais c’est la théorie ; dans la pratique les choses deviennent plus difficiles car on ne peut pas oublier comme cela notre prisme culturel ». Pour l’ethnobotaniste, cela demande donc du temps, et il faut de la pratique. « Bien que cela fasse 60 ans que je côtoie [la nature], quand j’arrive dans un milieu équatorial, je suis submergé ! » confie-t-il.
En effet, il y a nature et nature! Dans notre pays, elle porte les stigmates de nombreuses années d’agriculture qui ont sculpté le paysage. D’autres activités humaines, comme la construction de navires, ont provoqué la disparition complète de forêts. Impossible d’oublier cela quand on entreprend de mieux connaître l’environnement. Appréhender une nature plus sauvage demandera des approches spécifiques, qui vont du simple hébergement « nature » au stage de survie douce, en passant par des «cures» en plein air. D’une certaine façon, tout est bon pour se rapprocher de la nature, à la condition toutefois de ne pas la mettre en scène et de ne pas la transformer en objet de consommation.
Car si le but de ces démarches est de retisser un lien avec notre environnement naturel, celui-ci se doit d’être authentique. « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas», écrivait Victor Hugo. Parfois, il sera donc question de connaissances pratiques, parfois de développer son ressenti, parfois d’améliorer son bien-être... D’autres envisageront surtout une dimension spirituelle. En tout cas, que ce soit en marchant, en méditant ou encore en cueillant, à vous de décider quelle démarche vous convient le mieux.Toutes ces propositions nous rappellent en tout cas une chose importante : la nature a beaucoup à nous apprendre!
Instants magiques
«Nous oublions jusqu’à notre identité. C’est cette magie qui se produit lorsque le rapport entre l’homme et la nature devient absolu. C’est l’état de grâce dont les sous-bois usent pour nous accrocher au terrain, jusqu’à ce qu’un bruissement irréel vienne troubler la paix et fasse bouger les branches des arbres. Une atmosphère magique nous retient captifs dès que nous sommes en parfaite syntonie avec l’âme des bois... C’est ici que nous voudrons toujours revenir, à ce Nirvana, dans cette immense dimension intemporelle, dans ce monde enchanté.»
Extrait de la « Petite philosophie du champignon », de Tony Saccucci et Carmelo Chiaramonte, Éd. Balland, 2013.
Jean-Marie Pelt: « La nature doit nous émerveiller »
« L’homme renaturé est cet être humain qui reprend un lien affectif avec le vivant. La plupart d’entre nous sont plus proches des nouvelles technologies que de la nature. Mais il y a cette tendance à se rapprocher d’elle, de comprendre ce qu’elle représente. Car si elle ne peut plus nous « supporter », elle ne pourra plus nous porter. Nous sommes béats devant les créations humaines ; or nous devons à nouveau nous émerveiller, même devant des créatures les plus simples, comme cette libellule que j’observais il y a deux minutes à ma fenêtre. Il faut ressentir cette beauté, et même si elle est apprivoisée, cette nature est notre nature. » * « L’homme renaturé » est le premier livre d’écologie écrit par Jean-Marie Pelt, sorti en 1977. Il ressort cette année aux éditions Robert Laffont.
La science s’intéresse aux bienfaits de la nature
Des études récentes valident les effets bénéfiques de la nature sur le corps et l’esprit. Au Japon, 280 adultes qui ont séjourné dans des forêts ont vu leur stress réduire (diminution de 13 % du taux de cortisol dans la salive après une balade) et leur système immunitaire se renforcer. Passer du temps en extérieur favorise aussi une bonne vue, selon une étude américaine menée sur des enfants à Taïwan, en 2012 : la lumière naturelle est meilleure pour les yeux, et le regard est entraîné à se projeter vers l’horizon lorsqu’on est dehors. Plusieurs études américaines et anglaises menées sur des enfants dans les années 2000 ont aussi montré une réduction de l’hyperactivité avec déficit de l’attention (TDAH) et une amélioration du développement émotionnel des écoliers. Selon une étude californienne récente, le contact avec la nature et les arts entraînerait des émotions positives et diminuerait la production de molécules pro-inflammatoires, les cytokines.
Donner du sens à ses vacances
Plusieurs lieux en France proposent régulièrement des initiatives, combinant réflexion et mise en situa- tion pour faire l’expérience du lien au vivant.
L’École de la nature et des savoirs, créée par Éric Julien dans le Diois après sa rencontre avec les Indiens Kogis de Colombie, se présente comme un lieu de rupture avec les valeurs dominantes de la société et de reconnexion avec la nature et avec les autres. Le stage « Immersion nature » nous propose de retrouver une relation d’alliance et non de domination avec notre environnement. Du 3 au 11 août. Infos : www.ecolenaturesavoirs.com
L’Espace des possibles s’est créé autour de valeurs telles que l’intelligence collective et la créativité. Une semaine «Pleine nature» vise à comprendre le monde végétal, source de vie et d’inspiration, et de s’impliquer dans sa préservation.
Avec l’ethnobotaniste Magali Amir et Philippe Desbrosses, de la ferme de Sainte- Marthe. Du 11 au 18 juillet. Infos : www.jardiner-ses- possibles.org
Le Val de Consolation, site naturel remarquable de 250 ha dans le Jura (Doubs), abrite un ancien monastère érigé au Moyen Âge. Le lieu est un véritable carrefour pour des rencontres où les approches physique, énergétique et spirituelle se combinent. Par exemple, « L’art de soigner » invite à une réflexion profonde et globale sur la santé. Du 5 au 11 juillet :
www.terre-du-ciel.org