Réhabilitons la sauge !
Il fut un temps où chaque jardin avait son plant de sauge, où chaque individu savait en profiter à sa juste valeur. Aujourd’hui, elle a quasiment disparu de nos habitudes de vie. Moins exotique que sa cousine la sauge blanche (Salvia apiana) utilisée pour purifier les lieux, la sauge officinale n’est pas vraiment tendance. De plus, le savoir des simples s’est perdu… Si vous l’avez au jardin, êtes-vous sûr d’en faire bon usage ? Je vous propose de remédier à cela. Christophe Bernard, naturopathe herbaliste. À retrouver sur son blog, www.altheaprovence.com
Chaude ou froide, c’est selon !
Outre ses propriétés digestives classiques, la sauge agit aussi sur la bouche et la gorge. Sa richesse en huile essentielle désinfectante et en tanins astringents la rend idéale pour les gingivites, en bain de bouche à partir de l’infusion des feuilles. C’est aussi une plante indiquée pour les maux de gorge, là encore parce qu’elle désinfecte et resserre les muqueuses rouges. On fera une demi-tasse d’infusion avec une cuillère à café de feuilles sèches que l’on appliquera en gargarisme, seule ou accompagnée de teinture d’échinacée (attendre que l’infusion tiédisse et rajouter 1 cuillère à café de la teinture). La sauge s’associe très bien avec la racine de réglisse pour calmer les muqueuses enflammées.
Deuxièmement, elle contient des substances phytœstrogéniques qui miment les œstrogènes de notre corps et se fixent sur les récepteurs hormonaux pour les activer faiblement. En période normale, cette faible activation n’est pas suffisante pour créer un effet marqué. Mais pendant la ménopause, lorsque les œstrogènes sont descendus très bas, elle l’est pour contrecarrer les effets indésirables de la chute hormonale, sécheresse vaginale et bouffées de chaleur en particulier. La sauge est alors prise en infusion refroidie et bue régulièrement dans le courant de la journée. Elle se combine bien avec d’autres plantes œstrogéniques (houblon, luzerne rouge...).
Au jardin
Vous trouverez des plants de sauge officinale dans la plupart des jardineries. En revanche, sa richesse en huile essentielle dépendra de l’environnement dans lequel elle pousse. Comme pour la vigne, les aromatiques des régions chaudes ont besoin de souffrir pour donner le meilleur d’elles-mêmes. La sauge appréciera une exposition plein soleil. Afin de lui apporter luminosité et chaleur, placez-la au pied d’un mur en pierre qui lui renverra la lumière. Entourez-la de pierres blanches pour la même raison. La terre doit impérativement drainer. Si votre terre à tendance à croûter ou à retenir l’eau lorsque vous faites un trou et que vous y versez un arrosoir d’eau, rajoutez du sable. Creusez un trou de 40 cm de profondeur et de diamètre et incorporez un demi-seau de sable à votre terre. Arrosez votre sauge régulièrement les jours après...
la mise en terre. Ensuite, arrosez sporadiquement. Personnellement, je procède à l’œil : lorsque je vois que les feuilles commencent à pointer vers le bas, je vais chercher l’arrosoir pour étancher sa soif.
Attention à la taille
C’est une plante délicate à tailler. En effet, elle fait beaucoup de bois et le réflexe est de la rabattre agressivement en chaque fin de saison. Mais ceci peut la tuer. Je conseille de la rabattre au tiers, pas plus bas. Au fil des années, elle aura tendance à faire des feuilles plutôt vers la partie haute alors que le bas va se dégarnir. C’est normal.
Nouvelles racines
Pour la multiplier facilement, vous pouvez la marcotter. Prenez une branche basse encore jeune et souple et enlevez les feuilles inférieures. Couchez la branche délicatement et enterrez la partie basse. Maintenez-la en place avec un arceau en fil de fer. Cette partie développera de nouvelles racines au fil des mois. Vous pourrez ensuite couper la branche à sa base en fin d’été et récupérer un nouveau plant.
À l’atelier
Teinture anti bouffées de chaleur
L’action œstrogénique de la sauge est intéressante contre les bouffées de chaleur. Certes, l’infusion est la façon la plus simple de la préparer, mais cela risque d’entrecouper la nuit de visites aux toilettes. Je vous propose plutôt de prendre la sauge sous forme de macérat hydroalcoolique (teinture). Combinez-le avec le houblon, qui apporte une dimension sédative.
Matériel et ingrédients
2 bocaux en verre de 1 litre qui se ferment hermétiquement • 500 ml d’alcool à 40° (alcool de fruit ou vodka) • 500 ml d’alcool à 55° (rhum de supermarché) • 100 g de feuilles sèches de sauge • 100 g de cônes secs de houblon.
1.Placer la sauge dans le premier bocal et le houblon dans le deuxième. Verser 500 ml d’alcool à 40° sur la sauge et 500 ml d’alcool à 55° sur le houblon. Le houblon nécessite un taux d’alcool plus élevé car il est riche en résine, substances qui ont une grande affinité pour l’alcool.
2.Laisser macérer pendant deux semaines dans un endroit à l’abri de la lumière en remuant bien tous les jours.
3.Au bout des deux semaines, filtrer les teintures. Presser le marc afin de récupérer l’alcool emprisonné dans la plante. Je recommande pour cela un presse-purée fermé afin de faire ce travail de pressage. Passer ensuite le liquide au travers d’une étamine ou d’un filtre à café non blanchi.
4.Dans une bouteille, mélanger les deux teintures dans les proportions suivantes : 70 % de houblon et 30 % de sauge.
Utilisation
Prendre une cuillère à café dans un peu d’eau juste avant d’aller au lit. Préparer une autre dose à laisser sur la table de nuit. Prendre cette dose lors du premier réveil nocturne.
À savoir
Pour vos infusions, vous pouvez également associer la sauge à d’autres plantes à action œstrogénique que sont le houblon et la luzerne rouge.
Récolte et conservation des feuilles
Ramassez les feuilles si possible juste au début de la période de floraison pour optimiser la contenance en composants aromatiques. Au besoin, vous pouvez aussi récolter pendant la saison de production. Vous pouvez soit détacher les feuilles puis les faire sécher sur une claie, soit suspendre les branches à une poutre, la tête en bas, et détacher les feuilles une fois sèches. Gardez les feuilles entières dans des sacs en papier dans un endroit sec et à l’abri de la lumière. Ne les effritez pas, sous peine de perdre une partie des composants aromatiques.
Almanach de mars
Si le temps commence à se radoucir dans votre région, le mois de mars marque le retour au jardin. C’est bon pour le jardin comme pour le jardinier qui commence à trépigner d’impatience ! Si le temps reste froid et que votre terre est toujours dure, il faudra patienter un peu.
Si vous n’avez pas divisé vos vivaces à l’automne, faites-le maintenant. L’échinacée pourpre ou pâle se divise très bien en déracinant la motte et en identifiant les yeux qui commencent à pointer, signe de nouvelle croissance. Cassez la motte à la main afin de garder au moins un œil par division, puis replantez. La division est particulièrement nécessaire pour les aromatiques qui s’épuisent au bout de quelques années, comme l’hysope. L’hysope se divise à la bêche en cassant la motte en quatre parties égales.
Il est temps d’amender votre terre aux endroits où vous allez introduire vos médicinales. Si votre terre est déjà bonne et que vos cultures de l’année précédente ont bien donné, épandez simplement une bonne couche de compost et grattez-le en surface à l’aide d’une griffe. Ne retournez pas la terre en profondeur sous peine de perturber l’écosystème.
Le fumier composté de cheval, ou d’un mélange cheval-mouton, est un excellent aliment pour une terre pauvre. Si vous ne voulez pas vous embêter avec les gros sacs de jardinerie, je vous conseille le fumier en granules. Sec et facile à manipuler, il peut se rajouter à la terre, une bonne poignée avant de placer votre plante, ou dans vos pots si vous jardinez au balcon. Les granules se désagrègent pendant l’arrosage.