La phyto pousse dans les cabinets médicaux
Les professions médicales qui pratiquent la phytothérapie sont de plus en plus nombreuses. Généralistes, spécialistes, sages-femmes, dentistes, etc. : ils ont pris l’initiative de se former et de s’investir dans cette spécialité, tout en restant ouverts à d’autres approches complémentaires. Un itinéraire hors des sentiers médicaux classiques qu’ils défendent avec passion.
À notre époque, la plupart des médecins ne jurent encore que par le Vidal, une bible dès qu’il s’agit de remplir l’ordonnance du patient. Certains cependant ne s’y cantonnent pas et prescrivent des plantes. Oui c’est possible ! Sous forme de teintures-mères, d’huiles essentielles, de gélules, la phytothérapie fait partie du quotidien de ces praticiens qui sortent des sentiers battus de la médecine allopathique. Vous n’en connaissez pas un seul ? Ce n’est pas étonnant : ils ne couvrent pas uniformément le territoire et ne sont pas faciles à identifier puisqu’ils communiquent rarement sur cette orientation. Il leur est interdit d’indiquer « phytothérapie » sur leur plaque, alors que c’est possible pour l’homéopathie ou l’acupuncture. Selon le Dr Paul Goetz, qui exerce à Strasbourg comme généraliste, ils seraient environ 1500 : c’est en effet le nombre d’abonnés à la revue Phytothérapie, de la recherche à la pratique, dont il est le rédacteur en chef et qui s’adresse principalement au corps médical.
Leurs rangs se sont étoffés ces dix dernières années, à en croire le Dr Bérengère Arnal, gynécologue à Bordeaux et responsable de l’enseignement de phytothérapie à la faculté de médecine Paris-XIII : « Le diplôme universitaire qui ne comptait que sept étudiants en 1997 en accueille 170 aujourd’hui, et la part de médecins s’est accrue passant d’un quart à un tiers en quatre ou cinq ans. » Alain Gorius, médecin homéopathe dans la Drôme, est convaincu que la phytothérapie va se développer dans le milieu médical. Il livre son analyse : « On arrive au point auquel se trouvait l’homéopathie il y a vingt-cinq ans : en effet, à cette époque, seulement cinq diplômes universitaires l’enseignaient, et c’est à peu près ce qu’on dénombre en phytothérapie aujourd’hui. »
Actuellement, la médecine par les plantes ne fait pas partie du cursus général des futurs cliniciens et ne constitue pas une spécialisation. Les médecins intéressés peuvent suivre à la faculté de médecine Paris-XIII un enseignement spécifique sur trois ans. D’autres universités françaises proposent des cursus, plus courts, mais délivrant aussi un diplôme, comme par exemple à Besançon ou à Lyon. Parallèlement, le laboratoire Phytoprevent (Groupe Pilèje) orchestre des formations qui séduisent de plus en plus de professionnels de santé. C’est ainsi que Marie-Paule Fernandez, sage-femme en Île-de-France, a enrichi sa formation et ses connaissances pour mieux suivre les femmes enceintes : « Depuis sept ans, j’avance à mon rythme : j’assiste régulièrement aux journées proposées par le laboratoire, et je teste les produits sur moi et sur mes proches avant de les conseiller à mes patientes. » Cette voie a le mérite d’être plus souple qu’un cursus universitaire, qui de toute façon, ne l’autoriserait pas davantage à mentionner la phytothérapie sur sa plaque.
En formant des praticiens, Phytoprevent a tout à gagner : le laboratoire met ainsi en avant ses produits, les extraits fluides de plantes standardisés (EPS), une nouvelle galénique basée sur une méthode d’extraction sans alcool. Selon de nombreux médecins, bien qu’encore onéreuse, elle garantit une teneur importante en principes actifs. De plus, comme le rappelle le Dr Bérengère Arnal via l’Association médicale pour la promotion de la phytothérapie (AMPP) qu’elle a cofondée, il existe des passerelles entre les formations universitaires et celles organisées par Phytoprevent, permettant de mieux connaître les autres remèdes.
Des compétences élargies
Généralistes, spécialistes, dentistes, infirmières ou sages-femmes : la phytothérapie peut s’immiscer dans toutes les branches de la médecine. En règle générale, elle ne constitue qu’un outil parmi d’autres pour ces praticiens qui s’intéressent à une ou plusieurs disciplines différentes : psychothérapie, acupuncture, médecine traditionnelle chinoise et surtout homéopathie. L’hétérogénéité de leurs profils a pour conséquence qu’ils ne se connaissent pas tous. Certains publient des livres, tiennent des blogs, animent des formations, mais tous n’ont pas le temps pour cela. Globalement, ils apparaissent comme des passionnés aux compétences élargies et cultivant une approche plus globale et plus holistique du soin.
L’histoire personnelle de ces médecins est souvent marquée par un lien fort avec la nature et le monde végétal. Mais leur orientation peut relever d’autres motifs comme le raconte le Dr Bruno Donatini, gastroentérologue et ostéopathe en Champagne-Ardenne : « Mes convictions ne sont pas exclusivement basées sur des motifs écologiques. Après un cursus très complet en médecine conventionnelle – gastro-entérologie, cancérologie, immunologie –, j’ai travaillé dans l’industrie pharmaceutique. Je suis sorti en courant ! J’ai alors cherché à pratiquer une médecine naturelle. Je me suis formé à l’ostéopathie. Puis dans les années 1990, j’ai étudié les champignons que j’utilise désormais en combinaison avec des plantes simples et une vingtaine d’huiles essentielles pour traiter les problèmes de poids – le syndrome métabolique notamment – et d’immunité. »
Trente ans d’enseignement
Le Dr Bérengère Arnal déplore les difficultés pour les phytothérapeutes à trouver leur place dans le corps médical : « Récemment, j’ai entendu le responsable d’une école de médecine délivrant un diplôme de phytothérapie regretter d’avoir à gérer des ‘‘médecines ésotériques’’, au regard de ses collègues des autres facultés. » La gynécologue se réjouit cependant puisque l’enseignement à l’université Paris-XIII fête ses 30 ans cette année.
Le Dr Bruno Donatini donne quant à lui une vision plus large : « La médecine conventionnelle est en régression dans le monde, avec l’essor de l’Inde et de la Chine, très ouvertes aux autres approches. » Et de confier : « Je reçois des demandes de publications scientifiques de la part de ces deux nations. » Ce gastroentérologue s’enorgueillit de voir que certains de ses confrères le copient et lui envoient leurs patients lorsqu’ils sont en échec. La preuve que la santé peut parfois passer avant les préjugés. Ce type de succès thérapeutiques, et plus globalement la motivation de ces praticiens, ouvrent de belles perspectives à la phytothérapie médicale dans les années à venir. Tout un chacun peut aussi y contribuer, en exigeant de son médecin de famille des soins plus naturels.
Aller plus loin :
- Fungi medicinal Site d’information sur la mycothérapie telle que la pratique le Dr Bruno Donatini. www.fungimedicinal.com
- Au sein des femmes Association de sensibilisation à la prévention du cancer du sein et accompagnement par les médecines complémentaires. www.auseindesfemmes.com
- Association médicale pour la promotion de la phytothérapie (AMPP). ampphy.com
- Association Cap Santé, 02 98 78 96 91 www.capsante.net