Dossier
Des antibiotiques, d’accord... mais naturels! (3/3)
Le règne végétal nous offre une panoplie considérable d’outils pour lutter contre les infections. Trop souvent ignorés du corps médical, ils sont pourtant une alternative parfois salutaire au diktat du tout antibiotique, une ère dont le temps semble de toute façon compté.
L’aromathérapie, avenir de la lutte antibactérienne
En concentrant ces principes actifs, les huiles essentielles (HE) font figure de petites bombes antibactériennes et il n’est pas étonnant que le nombre d’articles scientifiques sur le sujet explose depuis quelques années. Leur mode d’action est multidirectionnel et complexe : elles peuvent faire varier le pH de l’environnement immédiat de la bactérie et, étant lipophiles, pénétrer en son sein pour affecter sa respiration cellulaire ou déstabiliser sa structure.
Quel est leur avantage comparatif ? D’abord, du fait de la complexité moléculaire des HE, on constate de très rares phénomènes d’adaptation et de résistance des germes, a fortiori encore plus rares lorsqu’on combine les huiles essentielles entre elles. Ensuite, par contraste avec les antibiotiques, elles ont un effet qu’on pourrait qualifier d’eubiotique : elles ne génèrent pas d’effets secondaires délétères pour l’immunité à long terme et peuvent même booster notre système immunitaire. Enfin, elles éliminent les bactéries de manière sélective. Au premier rang des armes antibactériennes viennent d’abord les HE contenant des phénols : le thym vulgaire à thymol et son pendant indien l’ajowan, l’origan vulgaire et le clou de girofle. Ce sont des antibactériens à très large spectre qui se révèleront souverains aussi bien sur les infections urinaires à Escherichia coli que sur plusieurs souches de staphylocoques (aureus, epidermitis, pyogènes.), comme sur les infections bronchiques (Klebsiella pneumonia). En haut du palmarès, on peut également citer l’HE d’écorce de cannelle de Ceylan (Cinnamomum verum). Le caractère dermocaustique de ces huiles essentielles impliquera une dilution suffisante lorsqu’elles sont utilisées en externe (pas plus de 5 % dans un mélange d’huile végétale) et un support adapté en utilisation interne (capsule huileuse, gélule). Dans ce dernier cas, on n’en fera pas un usage prolongé (au-delà de 15 jours), ou alors à très faible dose, du fait de leur caractère hépatotoxique. On essaiera d’associer des HE hépatoprotectrices comme le citron. Pour les infections simples et ponctuelles, sans doute préférera-t-on à cette artillerie lourde des HE plus douces. Celles riches en monoterpénols seront aussi souvent très bien placées dans le palmarès des bactéricides. Citons par exemple le palmarosa (Cymbopogon martinii) ou la monarde fistuleuse (Monarda fistulosa) riches en...
géraniol, ou les thyms à linalol et à thujanol. Les HE contenant du 1,8-cinéole (appelé aussi eucalyptol), comme niaouli et ravintsara sont également de bonnes antibactériennes polyvalentes, mais ne doivent pas être utilisées chez les enfants de moins de 6 ans.
Selon le type d’infections, on privilégiera différentes voies d’administration (ovule, spray nasal...). La voie cutanée, par le massage de la plante des pieds, de l’intérieur des cuisses, des avant-bras et du dos, aura un effet systémique intéressant pour les infections sans site identifié ou pour les infections pulmonaires (pneumonie, bronchites). Mais pour celles- ci, l’utilisation de la voie rectale (des suppositoires à faire préparer en pharmacie ou à acheter tout prêt, type Pholcones) est malgré tout la plus efficace: les huiles essentielles entreront dans la petite circulation pour arriver directement aux alvéoles pulmonaires en court-circuitant le foie, ce qui permet la prise d’HE à phénols sans conséquences pour ce dernier. En cas d’infections purulentes avec du mucus, on ajoutera des HE mucolytiques ou expectorantes comme le romarin à verbénone ou le pin sylvestre.
Pour que les huiles essentielles répondent bien, il faut généralement commencer un peu fort le premier jour, puis diminuer la posologie dans les jours qui suivent, tout en veillant à être régulier et traiter au moins une semaine. Dans les cas d’infections résistantes ou récidivantes, mieux vaut les associer à des familles moléculaires différentes. Si ce tir croisé se révèle insuffisant, il est toujours possible d’effectuer un aromatogramme pour affiner l’approche. Un outil de plus pour faire des huiles essentielles une véritable alternative à l’antibiothérapie.
Helicobacter pylori: une bactérie qui résiste à tout?
Cette bactérie responsable d’une infection chronique de l’estomac serait présente chez la moitié de la population mondiale. Infection généralement silencieuse, elle est néanmoins impliquée dans la majorité des ulcères de l’estomac et du duodénum et peut être responsable du cancer gastrique. Les traitements de référence (trois antibiotiques associés) rencontrent aujourd’hui des résistances croissantes... Bon nombre de principes actifs naturels ont montré une efficacité contre Helicobacter in vitro (glucosinates du brocoli, shogaol du gingembre, xanthones de l’huile de nigelle...), mais les études cliniques sont pour le moment décevantes. Sauf pour la glycyrrhizine de la réglisse (Glycyrrhiza glabra) et la curcumine du curcuma. À moins que cette résistance bactérienne ne soit utile : des études récentes montrent que Helicobacter pylori, en régulant l’acidité gastrique, à un effet protecteur contre d’autres pathologies comme le reflux gastro-œsophagien et l’adénocarcinome œsophagien.
L’aromatogramme en pratique
L’aromatogramme reprend les principes de l’antibiogramme appliqués aux huiles essentielles (HE). L’idée : exposer des souches bactériennes précises prélevées chez des patients (peau, urine, mucus) à différentes HE pour pouvoir constater leur efficacité. On classe ensuite les HE d’inactives à très actives et on adapte le traitement en conséquence. « Nous testons une trentaine d’huiles essentielles sur les souches que nous prélevons sur place ou que l’on nous envoie », nous explique Michel Cohen, le chef d’un des rares laboratoires à proposer cette prestation en France. « Les patients sont souvent envoyés par des aromathérapeutes,mais également de plus en plus par des services hospitaliers. Certains enfants atteints de mucoviscidose sont traités avec des aérosols aromatiques lors d’épisodes infectieux. »
Aroma et flore intestinale
Si on présente souvent les huiles essentielles comme globalement bénéfiques pour la flore intestinale et les bifidobactéries, le sujet ne fait pas complètement consensus car il est peu exploré dans la littérature scientifique. Certains spécialistes estiment que si des huiles essentielles sont neutres, d’autres peuvent quelque peu chahuter la flore saprophyte lorsqu’elles sont utilisées à long terme. En tout état de cause, une telle déstabilisation reste tout à fait anecdotique en regard des effets très délétères de l’antibiothérapie.
Trousse de secours
Cystite infectieuse: Associez 1 goutte d’HE de thym à thymol (Thymus vulgaris à thymol), de cannelier de Ceylan (Cinnamomum zeylanicum) et de palmarosa (Cymbopogon martiniivar. motia) à 30 gouttes de dispersant (Disper, Solubol), mélangez bien. À boire, dilué dans un grand verre d’eau, 3 fois par jour pendant 10 jours. À défaut de dispersant, remplacez le support par une cuillère à soupe d’huile d’olive (mélangez bien avant d’ingérer).
Gastro-entérite et tourista: Associez l’HE d’origan compact (Origanum compactum), de thym à linalol (Thymusvulgaris L. linaloliferum) et de basilic exotique (Ocimum basilicum ssp basilicum), même posologie et préparation que ci-dessus. Pour les spasmes, se masser le ventre avec l’HE de basilic exotique diluée dans une huile végétale (à hauteur de 20%).
Bronchite: HE d’eucalyptus radié (Eucalyptus radiata), de pin sylvestre (Pinus sylvestris) et de thym à thujanol (Thymus vulgaris ct thujanol) à parts égales, à utiliser en inhalations. Mélangez à hauteur de 20% dans une huile végétale et massez 5 ou 6 fois par jour haut du dos, torse, plante des pieds et avant-bras. Possibilité d’acheter ou de faire préparer en pharmacie des suppositoires à base d’huiles essentielles adaptées.