Dossier
Fructose et cie la chasse aux sucres (1/3)
Sucre : Curieuses métamorphoses
Ce sont aujourd’hui en moyenne 35 kg de sucre par an que consomme un Français. Plus seulement dans les fruits ou le miel, comme c’était le cas avant l’ère industrielle, mais sous des dizaines de formes modifiées différentes, de sucres ajoutés dans nos assiettes et nos rayons de supermarché. Car après le sucre de table de première génération – le saccharose issu de la betterave ou de la canne à sucre – sont arrivés des dérivés obtenus par raffinage chimique, cuisson, cristallisation ou coloration pour plaire aux consommateurs et aux industriels. Ainsi apparurent cassonade (sucre de canne évaporé, cristallisé, souvent teinté), vergeoise (sirop de betterave cuit et recuit), sucres candi ou inverti. Progrès de la chimie aidant, sont arrivés ensuite les premiers édulcorants de synthèse (saccharine, aspartame, cyclamate) et naturels...
(sorbitol, mannitol, xylitol) qui augmentent la saveur sucrée des boissons light et des desserts dits allégés.
Ces dernières années, le sirop de glucose fructose (étiqueté isoglucose, sirop de maïs, sirop de fructose), est devenu omniprésent, aussi bien dans les com- potes de fruits que dans les biscuits, en passant par le pain de mie. Ici, l’appellation «fructose» rassure à tort les consommateurs en renvoyant à l’idée de sucre naturel... Or rien n’est plus faux concernant le sirop de maïs. Un nombre croissant d’études convergent aujourd’hui pour le désigner comme le responsable d’un grand nombre de pathologies métaboliques (hypertension, diabète de type 2, syndrome de foie gras...), mais aussi de problèmes neurologiques. Cette overdose de sucre modifié se cumule à un changement structurel plus profond dans nos habitudes alimentaires quotidiennes, à savoir une part grandissante accordée aux glucides toutes catégories confondues (pain, pâtes...). La recherche progressant, l’ensemble de ces modifications est de plus en plus pointé du doigt, le sucre étant en passe de détrôner le sel ou les graisses saturées dans la liste des « ennemis de l’ombre ». Beaucoup de sucres différents étant disponibles à la consommation, et de nombreuses informations contradictoires circulant sur le sujet, nous avons voulu y voir plus clair.
La betterave l’emporte face au raisin
Pendant le blocus continental de 1806, la France ne peut plus faire venir le sucre de canne des Antilles et devient dépendante d’importations anglaises à prix prohibitif. Pour trouver une solution à ce problème d’approvisionnement, les recherches s’amplifient pour une meilleure alternative locale. Antoine-Augustin Parmentier, le promoteur de la pomme de terre, va défendre de façon acharnée le sucre de raisin, une bonne façon d’augmenter les débouchés de la viticulture française. Mais c’est finalement la betterave qui l’emportera dans cette guerre tant scientifique qu’économique. Aujourd’hui, quelques rares producteurs artisanaux de sucre de raisin continuent cette production devenue un produit traditionnel de luxe.