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Le thé matcha : lumière sur cet antioxydant de l'ombre
Thé en poudre sans infusion, il se boit, se mange et s'utilise même en soin de beauté. Avec sa robe couleur pistache, sa texture farineuse et son goût d'herbe fraîche, le matcha est, à lui tout seul, une invitation à oublier tout ce que vous pensiez savoir sur le thé vert...
Le matcha est un thé vert japonais unique en son genre. Son nom, aussi gourmand qu'exotique, signifie « thé finement broyé ». Contrairement à tous les autres thés du monde, ce ne sont pas des feuilles que l'on infuse, mais une poudre qu'on émulsionne au contact de l'eau chaude. Sa préparation très spécifique fait tout le charme de cette boisson traditionnelle encore confidentielle, dont la saveur n'a d'égale que ses vertus. Alors qu'un café entièrement dédié au matcha a ouvert ses portes cette année à Paris, zoom sur les secrets d'une authentique bombe nutritionnelle.
Un capital antioxydant boosté par l’ombre
Le matcha provient d'une variété de théiers nommée tencha. Elle donne ce qu'on appelle un « thé d'ombre », car on protège les arbustes de la lumière du soleil en les couvrant avec une tonnelle, durant un mois avant la récolte. Le dispositif vise à ralentir la croissance de la plante, qui va alors puiser dans le sol tous les oligo-éléments dont elle a besoin. Pour réaliser sa photosynthèse, elle devra aussi surproduire de la chlorophylle, dopant considérablement ses pousses en énergie. Les feuilles sont ensuite cueillies et torréfiées à la vapeur d'eau afin de stopper leur oxydation naturelle et booster leur capital antioxydant.
Un bouclier contre les radicaux libres
Le matcha offre des propriétés santé puissantes, car on absorbe l'intégralité de ses feuilles, non leur simple infusion. Importé de Chine vers 1200, en même temps que le bouddhisme zen, il était utilisé par les moines pour rester éveillés au cours de leurs longues méditations. Riche en caféine, le matcha est souvent comparé à « un expresso santé ». D'ailleurs, doit-on parler de caféine ou de théine ? En réalité, il n'y a aucune différence entre les deux. La graine du caféier et la feuille du théier fabriquent le même alcaloïde, une molécule qui stimule le système nerveux. Mais son action est différente dans chacune des boissons. Dans un café, elle est biodisponible et passe rapidement dans le sang. Dans un thé, elle est captée par les polyphénols et libérée progressivement. Voilà pourquoi on dit que le thé stimule sans énerver.
Dans le cas du matcha, c'est la L-théanine, un acide aminé, qui joue le rôle d’anti-stress. Grand nettoyeur du foie qu'il détoxine, le matcha constitue une source de protéines, de calcium, de potassium, de bêta-carotène, de vitamine A et surtout de fer. Mais là où il bat des records, c'est dans sa teneur en polyphénols, 137 fois supérieure à celle de n'importe quel autre thé vert. Parmi eux, l'épigallocatéchine gallate, ou EGCG, une catéchine agissant comme un bouclier contre les radicaux libres, responsables du vieillissement cellulaire. Les molécules EGCG auraient même la capacité de neutraliser le développement des cellules malades dans les cas de cancers ou de maladies neurodégénératives, notamment en provoquant un stress oxydatif au sein de la cellule atteinte, poussée alors à s’autodétruire. Pour les experts néanmoins, il ne faut pas voir le matcha comme meilleur, mais complémentaire aux autres thés verts. On recommande en effet d'en consommer deux à quatre fois par semaine, en alternant avec d'autres variétés.
Une cérémonie du thé bien codifiée
On les nomme usucha et koicha. Le premier est un matcha liquide et peut être savouré tous les jours. L'autre, plus crémeux, de la consistance d'un miel liquide, est réservé à la cérémonie du thé japonaise. Dans un cas comme dans l'autre, préparer le matcha relève du théâtre ultra codifié où chaque accessoire a sa place. On emploie ainsi la cuillère-doseuse appelée chasaku pour prélever la dose de poudre, que l'on verse dans le chawan, le bol en terre cuite. Il est conseillé à ce stade d'utiliser un tamis pour s'assurer d'une poudre la plus fine possible.
On y verse l'eau chaude (oubliez l'eau du robinet : de préférence faiblement minéralisée, elle ne devra pas excéder 90 degrés), puis c'est au chasen d'entrer en scène, un petit fouet en bambou qui ressemble à un blaireau de barbier, dont on aura préalablement ramolli les fibres en le laissant tremper dans un bol d'eau tiède. Sans doute le moment préféré des amateurs de matcha – avec la dégustation – tant sa maîtrise est centrale, l'utilisation du chasen demande de l'entraînement. L'extrémité du fouet bien à plat au fond du bol, on agite rapidement le mélange en formant des W jusqu'à produire une légère mousse en surface.
Le matcha est un thé vert moelleux, mais puissant en bouche. Pour compenser son amertume naturelle, il est traditionnellement servi accompagné d'une petite pâtisserie. Plus qu'une expérience sensorielle chaudement recommandée à tous ceux qui visitent le Japon, le rituel vise ici l'équilibre parfait, la recherche de l'harmonie et la tranquillité de l'esprit. La cérémonie recommande par ailleurs de boire son bol en trois fois, sans ajout de sucre ni de lait.
Un label bio peu fréquent
Du point de vue gustatif, il existe de très grands écarts de qualité dont notre palais occidental n'est pas toujours averti. Pour déguster ou se procurer un matcha de qualité, les boutiques spécialisées et les maisons de thé restent la meilleure option. Le matcha haut de gamme est un met raffiné, aux notes de noisette et d'un beau vert électrique. Les produits moins bons ont des couleurs plus sombres tirant vers les jaunes ; ils sont plus amers également. Côté santé, peu de chances de vous tromper puisque, à moins d'opter pour une poudre franchement brunâtre, tous offriront des propriétés similaires. La clé est de choisir une appellation tencha-matcha, ou éventuellement gyokuro-matcha. Au Japon, le label JAS (Japanese Agriculture Standard) réglemente les produits issus de l'agriculture biologique, et c'est Ecocert qui en assure la certification pour l'Union européenne. Il existe cependant peu de producteurs ayant opté pour cette labellisation et l'on observe que la plupart des grands matchas de cérémonie ne sont pas bio.
Ils proviennent en effet le plus souvent de petits producteurs qui n'ont pas les moyens d'être labellisés mais qui peuvent néanmoins pratiquer une agriculture raisonnée. Le label bio ne leur est pas indispensable, puisqu'ils détiennent un marché bien à eux. Reste qu'au Japon le climat humide incite à utiliser beaucoup de pesticides. Et ces pratiques n'épargnent pas les fabricants de thé matcha, y compris haut de gamme. Privilégier un thé matcha bio est donc un bon réflexe afin d'éviter la présence éventuelle de contaminants. Mais se limiter à du matcha bio peut aussi signifier se priver des plus grands de ces thés. Sacrilège ! La meilleure solution reste encore de se renseigner auprès des revendeurs sur les modes de culture pratiqués, ce qui peut les inciter eux-mêmes à se questionner et à remonter à la source de leur approvisionnement.
Quant à la question de la contamination radioactive, depuis l'incident de Fukushima, les thés provenant de la région la plus proche du sinistre doivent être analysés avant de pouvoir être exportés vers la France et l'Europe. Peu vendu à l'international, le Japon n'exportant que 4 % de ses cultures, le matcha est très coûteux à la production, ce qui en fait un thé rare et explique son prix, autour de 30 euros les 30 grammes, voire beaucoup plus pour des millésimes d'exception. Parmi les régions reconnues pour leur production de matcha, on retiendra Uji, dans la province de Kyoto, capitale mondiale du thé vert.
Le matcha se consomme frais. C'est un produit sensible qui n'aime ni la lumière ni les changements de température et que l'humidité altère rapidement. On conseille de le conserver au réfrigérateur dans un emballage étanche et opaque et de le consommer sous trois à quatre semaines après ouverture.
Du thé matcha en cuisine ?
C'est par les cuisines que le thé matcha est entré dans le cœur du grand public occidental. D'abord discrètement, sur les tables des grands restaurants des années 1990, quand la crème des toques tricolores est partie rencontrer les meilleurs chefs nippons, ouvrant à l'époque la voie à une fusion food qui continue d'évoluer. Depuis, le matcha « à manger » se décline à l'envi : tartes, financiers, macarons, smoothies, yaourts, crèmes glacées ; des blogs entiers de cuisiniers amateurs lui sont consacrés. Son amertume et son arôme très végétal se marient parfaitement aux notes sucrées du chocolat blanc, des amandes ou des fruits rouges. Colorant naturel, son vert éclatant donne du peps aux préparations et permet de jouer sur l'effet de surprise quand vos convives s'attendront à un parfum mentholé.
Porté par la tendance des jus verts outre-Atlantique, le matcha a imposé sa version frappée ou latte aux comptoirs des grandes chaînes de cafés américains, dans des barres diététiques et même dans des cocktails à base de vodka ou de whisky. En version salée, ça marche aussi : tuiles matcha et parmesan, dans un cake froid à la courgette ou juste saupoudré sur des avocats... En sauce, sa saveur iodée dite « umami », typique des thés verts japonais, accompagne à merveille les poissons. On trouve dans le commerce du matcha spécial cuisine, qui n'a pas tout à fait la même qualité que celui destiné à être bu, plus grossier, moins finement moulu. Ses valeurs nutritionnelles et antioxydantes restent intéressantes, bien qu'il ne soit pas conseillé d'en boire tel quel au quotidien. Et pour qu'il conserve tous ses atouts, notons qu'il ne supportera pas d'être chauffé à une température trop élevée.
Une poudre bonne pour la peau
Si le matcha se retrouve dans de si nombreuses recettes, c'est parce qu'il est en poudre, autrement dit facile à mélanger. Pas étonnant donc qu'il trouve aussi sa place en cosmétique. Ses propriétés antioxydantes aident à prévenir le vieillissement prématuré des tissus et la formation des rides. Incorporé à une base d'eau et d'argile, il fait un masque anti-âge efficace et réhydratera idéalement les peaux stressées. Anti-inflammatoire, il protège de l'action des UV tout en renforçant la barrière lipidique de l'épiderme. Les tanins du thé, particulièrement astringents (qu'on trouve aussi dans le vin rouge et la grenade), en font également un bon régulateur des peaux grasses. Enfin grâce à sa teneur en caféine, il entre dans la composition de gels brûleurs de graisse, amincissants et tonifiants. De bonnes raisons d'essayer à la rentrée !