COP21 : Rencontres autour du vivant (6)
Océanologue spécialisé en bioclimatologie marine, le Dr Grégory Beaugrand est responsable de l’équipe de recherche biodiversité et climat du laboratoire d’océanologie et de géosciences au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).
Plantes & Santé : Quels sont les effets du changement climatique sur le milieu marin ?
Grégory Beaugrand La biodiversité va avoir tendance à diminuer dans les régions intertropicales et à croître dans les régions tempérées. L’augmentation des températures va provoquer la migration de certaines espèces vers le nord. La température a aussi un effet sur la taille : plus il fait chaud, plus les organismes atteignent leur maturité sexuelle tôt et plus ils sont petits. Le plancton risque de devenir moins énergétique. En mer du Nord, une région déjà touchée par l’augmentation des températures depuis 1960, les chances de survie de la morue à long terme sont compromises car ces dernières devront passer beaucoup plus de temps pour se nourrir.
P & S : En quoi la vie de l’océan peut-elle influer sur le climat ?
G. B. L’océan absorbe un tiers du CO2 émis par l’homme, un tiers étant capté par les végétaux terrestres et l’autre tiers s’accumulant dans l’atmosphère. Au cours de la photosynthèse, le plancton fixe le CO2. Quand les organismes de grosse taille meurent, ils coulent et exportent ce carbone dans le fond de l’océan. Avec le changement climatique, les organismes vont devenir de plus en plus petits et donc exporter moins de carbone au fond de l’océan. Cela va amplifier l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère. Différents scénarios sont possibles. Si on limite le réchauffement à moins de 2°, des estimations indiquent que l’océan subira probablement peu de modifications à l’exception des régions polaires. Mais dans le pire des scénarios (+ 4° en 2100), 78 à 95 % de la surface des océans pourraient subir de grosses modifications.
P & S : Comment serons-nous touchés par ces modifications ?
G. B. Cela va affecter les pêcheurs et l’aquaculture. Dans la Manche et en mer du Nord, on s’attend à une diminution des populations de morues et de coquilles Saint-Jacques et à une augmentation des sardines et des anchois. La biodiversité marine est aussi source de nombreux médicaments et compléments alimentaires qui pourraient se raréfier localement. À l’inverse, certains problèmes de santé comme la ciguatera, une intoxication alimentaire liée à la consommation de phytoplancton toxique par les poissons, pourraient s’étendre.