COP21 : Rencontres autour du vivant (8)
Monique Barbut est secrétaire exécutive de la Convention des Nations unies sur la lutte contre la désertification. Elle nous explique pourquoi la lutte contre ce phénomène devrait aussi faire partie des engagements des États lors de la Cop21.
Plantes & Santé En quoi les actions contre la désertification peuvent-elles nous aider à faire face au changement climatique ?
Monique Barbut Si l’on veut que l’augmentation de température reste en dessous de 2 °C, la transition énergétique ne suffira pas, il faudra aussi s’employer à séquestrer du carbone. Or, si l’on restaurait 500 millions d’hectares de terres dégradées, cela permettrait de séquestrer jusqu’à un tiers des émissions de gaz à effet de serre tous les ans. L’agroforesterie est un bon moyen de capturer du carbone dans les arbres et dans les sols, fertilisés par la matière organique apportée par les plantes.
P & S Qu’attendez-vous de la COP21 ?
M.B. Il faudrait que les actions contre la désertification soient reconnues comme solutions pour lutter contre le changement climatique et que pour chaque hectare de terre dégradée, on restaure un hectare. Si c’était inscrit dans les textes de la COP21, cela permettrait aux pays les plus pauvres d’accéder à des financements. C’est une mesure pas chère : il faut moins de 150 euros pour restaurer un hectare de terre dégradée. Et en plus, c’est une source d’emploi. Mais peu de lobbies nous appuient car la lutte contre la désertification ne nécessite pas de technologie coûteuse et n’offre rien à vendre.
P & S Et si on ne le fait pas ?
M.B. Il faut que les États qui présentent leurs engagements se ressaisissent, car on est loin de l’objectif de 2 °C d’élévation de la température. Sans compter que 2 °C à l’échelle de la planète, ça fait 4 °C au Sahel… C’est insupportable pour les personnes qui y vivent. Si on ne fait rien, on va connaître des émigrations sans commune mesure avec ce que nous avons vu. D’ores et déjà 100 % des migrants clandestins viennent de zones sèches. Pour stabiliser les populations, il faut leur donner les moyens de se nourrir. Entre 2006 et 2010, la Syrie a connu les pires années de sécheresse de son existence, ce qui a jeté un million de personnes dans la rue. Une situation explosive. La restauration du potentiel des sols est un élément essentiel pour non seulement assurer la survie alimentaire d’un grand nombre de populations, mais aussi participer au maintien de la paix.